Des expériences réalisées au synchrotron SOLEIL dévoilent quelques secrets sur un phénomène souvent observé : la foudre en boule.
Quand la foudre se met en boule
Témoignage Coralie
« La fois où j’ai réussi à voir une boule de foudre, un orage venait d’éclater au loin. J’ai entendu nettement la foudre tomber (j’ai cru qu’elle était tombée sur la maison d’à côté) et j’ai vu une espèce de lumière sortir de la cheminée, traverser, et ressortir dehors par la fenêtre qui était restée ouverte… »
Depuis plusieurs siècles, les récits se succèdent et se ressemblent : des boules lumineuses qui apparaissent lors de violents orages, lévitent de façon chaotique pendant quelques secondes avant de disparaître soudainement. Mais le phénomène est imprévisible et extrêmement fugace. Difficile donc, pour les scientifiques, d’apporter la preuve formelle de son existence.
Témoignage Coralie
« Ce qui est bizarre, c’est que lorsqu’on en parle, les gens ne nous croient pas vraiment. Ils nous disent qu’on a trop regardé Tintin ! »
Brian Mitchell, professeur à l’université de Rennes-I
« Certaines personnes disaient que ce phénomène n’existait pas, que c’était juste une illusion d’optique. Il y a toujours eu des idées farfelues. Dans les années 70, des scientifiques ont même proposé l’idée que c’était une météorite d’antimatière qui entrait dans l’atmosphère... »
A partir des années 2000, une idée surprenante fait son chemin : les boules de foudre seraient en fait des boules de poussière. Lors des orages, la foudre viendrait frapper le sol de toute son énergie et « pulvériserait » le sable qui le compose. Devenues incandescentes, les minuscules particules de sable formeraient alors un nuage brillant qui s’élèverait dans les airs.
Quelques années plus tard, en 2006, le physicien israélien Eli Jerby réussit à reproduire un tel nuage en laboratoire puis l’analyse avec l’aide de Brian Mitchell. « On avait de la foudre qui flottait dans l’air, très brillante, donc on avait une sorte de modèle de la foudre en boule. » Et en 2014, preuve ultime, une équipe scientifique chinoise réussit à filmer, par hasard, le phénomène naturel.
Brian Mitchell
« C’était une équipe à Lanzhou qui étudiait la foudre. Ils ont filmé la foudre pendant un orage et heureusement ils avaient un spectrographe sur leur appareil. Donc non seulement ils ont filmé la foudre, le mouvement de la boule, mais ils ont été capables d’identifier les éléments qui étaient dedans. Ces mesures ont montré que c’était un phénomène de plasma poussiéreux, que c’était des nanoparticules qui brillent. Et c’était des nanoparticules de silicium, qui viennent du sable. »
La composition de ces boules de feu est désormais connue mais de nombreuses questions restent en suspens…
Témoignage Coralie
« Un éclair ça tombe très très vite alors que là, ce qui est étrange, c’est qu’on a le temps de s’apercevoir que ça passe »
Brian Mitchell
« Il y a toujours un problème pour expliquer cette durée de vie. Si c’était un plasma comme celui que l’on trouve dans les tubes de néon, par exemple, sans source d’énergie, il disparaitrait dans les millisecondes. Donc il n’y aurait aucune raison que le plasma puisse se balader pendant 10 secondes dans une pièce. »
Les scientifiques émettent alors une hypothèse : l’oxygène présent dans l’air jouerait le rôle de carburant et entretiendrait le phénomène. Pour tenter avoir le cœur net, Brian Mitchell retrouve Olivier Sublemontier, spécialiste des nanoparticules. Leur terrain d'expérimentation est le synchrotron Soleil où ils vont pouvoir étudier, grâce à un faisceau de rayon X, l’action de l’air sur le silicium plus ou moins chauffé.
Olivier Sublemontier, ingénieur et spécialiste des nanoparticules au CEA
« Ce sont des échantillons de silicium qui se présentent sous la forme de nanoparticules de silicium. Ça à la consistance de suie ou de cendre. On va fabriquer une suspension de ces nanoparticules, c’est-à-dire qu’on va les mettre dans un liquide et ensuite on va vaporiser ce liquide pour faire une sorte de brouillard de nanoparticules qui ressemblera à ce qu’on peut avoir dans l’atmosphère au moment de la foudre en boule. »
Echange live
« Dans le four, on injecte à la fois les nanoparticules et de l’oxygène »
Olivier Sublemontier
« On ignore complètement ce qu’il y a dans les boules de foudre. On sait qu’il y a du silicium parce que cela a été détecté par spectroscopie optique mais on ne sait pas du tout quelle est la taille des particules, si elles sont fortement oxydées ou pas, combien de temps elles mettent pour s’oxyder et si cela correspond à la durée de vie de la foudre en boule »
Dix jours durant, les deux scientifiques sonderont les entrailles des boules de foudre, espérant comprendre le rôle de l’oxygène dans leur durée de vie. Ces travaux permettront, par ailleurs, à Olivier Sublemontier, d’en apprendre un peu plus sur les nanoparticules de silicium qu’il étudie, dans ses propres recherches, pour fabriquer les panneaux solaires de demain.