SOLEIL II - Venir à SOLEIL
- Annuaire & contacts
Télécharger la vidéo (55.15 Mo - mp4) (55.15 Mo)
Durée : 9.40
Crédit : SOLEIL
Réalisation : Laurianne Geffroy et JP Courbaize - Ya+K prod
Date : Février 2013
3h du matin. Un foie est acheminé en urgence au Centre Hépato-Biliaire de l'hôpital Paul Brousse, à Villejuif, pour une greffe. Mais avant de commencer la transplantation, il est essentiel de savoir si l'organe du donneur est sain. C’est le travail de la pathologiste, qui examine sous microscope un échantillon coloré du greffon. De son verdict dépend la transplantation. Mais c’est une technique d’analyse imparfaite. C’est pourquoi chercheurs et cliniciens ont réfléchi au moyen de rendre cette analyse de greffons plus fiable, et ont eu l'idée de se tourner vers SOLEIL.
Un foie sous infrarouge
HOPITAL PAUL BROUSSE Denis Castaing, Chirurgien à l'hôpital Paul Brousse
Nous faisons entre 130 et 140 transplantations par an.
On n’a pas assez de greffons. Il y a une pénurie de greffons qui fait que nous sommes amenés à utiliser des greffons dits « marginaux », c'est-à-dire qui, sur l'ensemble des examens que l’on peut avoir en préopératoire, ne sont pas tout à fait normaux. La difficulté pour nous est de bien apprécier, parmi les marginaux, ceux qui peuvent être utilisés et ceux qui ne peuvent pas être utilisés.
Lorsqu'un doute persiste, un petit morceau de foie du donneur est envoyé au laboratoire d'analyses de l'hôpital situé deux étages plus bas que la salle d'opération. L'échantillon est congelé, découpé, coloré.... et soumis à l’œil expert d'une pathologiste.
[Échange téléphonique entre Catherine Guettier et le chirurgien]
Catherine Guettier : Ecoute, je pense que le greffon est bon avec une stéatose macro-vacuolaire qui est seulement à 20%, la stéatose micro-vésiculaire à 30 %. Pas d’autre anomalie notable, pas de fibrose. Je pense que c’est tout à fait jouable et que ce foie peut être greffé.
Chirurgien : Bien, on va pouvoir lancer la greffe, merci beaucoup.
Catherine Guettier, Anatomopathologiste à l'hôpital Paul Brousse
La question principale qui est posée, c'est le degré de stéatose du foie. La stéatose, qu'est-ce que c'est ? C'est l'accumulation de lipides dans le foie. C'est une lésion qui est finalement assez fréquente, avec de nombreuses causes : la prise excessive d'alcool, mais aussi simplement le surpoids, le diabète... Il y a beaucoup de sujets dans la population qui souffrent de ces affections et sont susceptibles d'avoir une stéatose hépatique.
La stéatose se traduit par la présence de vacuoles, c'est-à-dire d'inclusions bien rondes à l'intérieur des cellules de foie. Quand un greffon est trop stéatosique, il y a un risque très important que les fonctions du greffon ne redémarrent pas après la greffe ou redémarrent lentement, tardivement et difficilement, mettant le patient en situation critique.
Malgré l'habitude et l'expérience, il est difficile pour les pathologistes de donner des chiffres fiables. Il faut aller très vite ; idéalement, il ne doit pas s'écouler plus de 8h entre le prélèvement et la greffe de foie. Et il faut être aussi précis que possible dans le diagnostic avec comme seul outil d'analyse : l’œil humain.
Catherine Guettier
Notre approche n’est que tout à fait imparfaite en raison des limites de l’œil humain et surtout de la qualité relativement médiocre des coupes de foie sur lesquelles nous devons évaluer la stéatose, compte tenu du degré d'urgence. Si on voulait faire une technique standard, il faudrait attendre 24h et c'est tout à fait impossible d'attendre ce temps là pour greffer un foie.
C’est ainsi que le laboratoire de recherche de l’hôpital développe de nouveaux diagnostics et de nouveaux traitements pour les maladies du foie, s'est penché sur la question. Chercheurs et cliniciens ont réfléchi au moyen de rendre cette analyse de greffons plus fiable, et ont eu l'idée d'utiliser un instrument de recherche de pointe, un « synchrotron ».
François Le Naour, Biologiste à l'Inserm
Lorsque le synchrotron SOLEIL a commencé son activité, il m'a semblé très intéressant d'aller explorer l’utilisation de la lumière et les caractéristiques un peu particulières de cette lumière pour aborder la composition des tissus, en particulier le foie – puisque c'est l'objet d'étude du laboratoire et du centre – et pour aller explorer aussi les aspects pathologiques du foie, la stéatose et d'autres lésions pathologiques.
Synchrotron SOLEIL
Les scientifiques de l'hôpital décident donc de se tourner vers le synchrotron SOLEIL, localisé sur le plateau de Saclay. Cette immense installation, de 113 m de diamètre, a la particularité de faire circuler des électrons de très haute énergie à près de 300 000 km/s et d'exploiter la lumière libérée lors de cette course effrénée.
Cette lumière, 10 000 fois plus intense que la lumière solaire, est ce que l'on appelle le « rayonnement synchrotron ». Une fois produit, ce rayonnement est guidé vers une vingtaine de sorties et utilisé à différentes longueurs d'onde par les scientifiques pour explorer la matière à des échelles infiniment petites.
Sur la ligne SMIS du synchrotron, les chercheurs utilisent les infrarouges. Une lumière qui permet de déterminer la composition des échantillons analysés, la composition des cellules en lipides par exemple.
Paul Dumas, Physicien au Synchrotron SOLEIL (Ligne de lumière SMIS)
L'avantage de SMIS, c'est de pouvoir produire ces photons dans l'infrarouge avec de toutes petites tailles et d'analyser de toutes petites particules de taille de l'ordre de quelques microns.
Ça c’est le cas typique d’une analyse de coupe de foie. Comme on a un faisceau qui est très résolutif, on a pu analyser chaque petit élément de ce foie individuellement et regarder à chaque analyse quelle était sa composition.
Des coupes de foie, similaires à celles examinées par Catherine Guettier à l’hôpital Paul Brousse, sont glissées sous le microscope de la ligne SMIS et analysées grâce à son faisceau d'infrarouges très intense et très fin.
[Échange entre Paul Dumas et François Le Naour]
Paul Dumas : Déplace-toi vers une grosse vésicule que tu voulais observer..., là ici, typiquement ce ne sont que des lipides...
On peut faire une image chimique de cette composition pour voir où se trouvent les lipides, on fait une cartographie autour de cette macro-vésicule...
Ah, elle est belle... Ta macro-vésicule, elle est là....
François Le Naour : Alors là, c'est assez surprenant...
Paul Dumas : Il y a des lipides partout, dans la vésicule bien sûr, mais aussi beaucoup autour...
François Le Naour
Avec l'infrarouge, et en particulier grâce à la résolution du synchrotron, nous avons pu aller explorer l'intérieur des vésicules et constater que c'était très riche en lipides et en certaines espèces moléculaires, ce qui était d'une certaine manière attendu.
Mais également aller explorer autour des vésicules et dans le tissu qui paraissait normal mais qui en réalité ne l’était pas et était gorgé aussi de lipides.
Paul Dumas
C'est l'image des lipides qui sont dans cette coupe de foie. Certes, on les retrouve dans les vésicules mais aussi on les retrouve aussi ailleurs dans le foie. Cela a été le début de l’identification d’une concentration anormale de lipides dans le foie que l’on ne voyait pas et que l'infrarouge permettait d’identifier à l’intérieur des tissus du foie.
La lumière infrarouge offre une vision des lipides extrêmement précise. Tellement précise, qu'il est envisageable, à partir d'une simple image de foie, de connaître la quantité de lipides en présence. Les chercheurs réalisent alors que l'infrarouge pourrait être un outil idéal pour diagnostiquer les greffons. Et après plusieurs mois d'expériences, leur intuition se confirme.
Une nouvelle question se pose alors : est-il possible d'obtenir les mêmes résultats avec un petit microscope infrarouge de laboratoire ?
François Le Naour
Il n'est pas envisageable d'amener l’hôpital au synchrotron, ni même de construire un synchrotron dans l’hôpital !
Des dizaines d'échantillons de foie, dont on connaît au préalable le taux de lipides, sont alors analysés avec un petit microscope infrarouge. Les chercheurs mettent alors en évidence que la résolution de ce petit appareil est suffisante pour déterminer le taux de stéatose avec fiabilité. Et aujourd'hui, l'instrument est opérationnel.
[Échange entre Paul Dumas et François Le Naour]
Paul Dumas : C'est un petit appareil qui est facilement adaptable dans un laboratoire, parce qu'il est transportable, il n'y a pas besoin de la sophistication d'un synchrotron. La manipulation est relativement simple et rapide. Ce qui fait que, c'est un outil de diagnostic qui semble être facile à mettre en place et à manipuler par des cliniciens...
François Le Naour : C'est l'appareil qui va aller à l'hôpital...
François Le Naour
L'idée est de se mettre dans les mêmes conditions que le mode opératoire actuellement pratiqué à l’hôpital, les mêmes coupes de tissus avec les mêmes épaisseurs, mais à la différence près qu'au lieu de réaliser une coloration, on réalisera une analyse sur ce microscope. Cela prendra le même temps, quelques minutes seulement, mais pour rendre cette fois-ci une valeur objective d'un taux de lipides mesuré sur les greffons.
HOPITAL PAUL BROUSSE
Quatre ans seulement après le début des recherches, le nouveau microscope est prêt. Il sera transféré à l'hôpital Paul Brousse d'ici quelques semaines.
Catherine Guettier
Nous attendons cet appareil avec impatience. Cela va nous apporter une aide diagnostic pour la quantification précise de la stéatose. On est bien conscient que l’on n’est pas excellent sur ce sujet. Cela diminuera d'autant le stress du pathologiste et cela l'aidera dans les conseils qu'il peut fournir au chirurgien.
Denis Castaing
Tous les moyens que l’on va pouvoir avoir de diagnostic qui vont nous permettre de dire sur ces foies marginaux ceux qui vont fonctionner et ceux qui ne vont pas fonctionner sont donc extrêmement importants.
Et ce que l’on attend de ce système c’est de nous aider dans le diagnostic à prédire ceux qui vont marcher et ceux qui ne vont pas marcher et donc finalement d'amener un plus au malade.