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Ces 20 dernières années les nanocristaux colloïdaux ont motivé l’intérêt des scientifiques à cause de leurs propriétés de luminescence ou, plus récemment, leur utilisation comme source de lumière pour les écrans au niveau industriel. Mais ces nanocristaux sont également très prometteurs pour l’optoélectronique car ils combinent la robustesse des matériaux inorganiques avec la facilité de processabilité des matériaux organiques.
L’équipe de l’INSP s’est intéressée aux propriétés de (photo)-conduction de films de puits quantiques colloïdaux de HgTe, pour le design de composants bas coût et rapides. Leurs résultats sont publiés dans NanoLetters.
Les nanocristaux colloïdaux sont des nanoparticules de semiconducteur dont les propriétés optiques sont ajustables de l’UV au THz. Pour l’optoélectronique ils sont particulièrement intéressants dans l’infrarouge, où les technologies actuelles demeurent chères et complexes. Or, dans cette gamme de longueurs d’onde, sonder la dynamique des porteurs de charge chez ces matériaux est un défi majeur, car les techniques conventionnelles basées sur des mesures optiques résolues en temps sont difficile à mettre en œuvre. C’est pourquoi les auteurs ont utilisé des techniques alternatives, basées sur la photoémission et la photoconduction résolues en temps, sur la ligne TEMPO.
Pourquoi étudier HgTe ?
Pour accéder aux longueurs d’onde infrarouge, il est nécessaire d’utiliser des matériaux à faible bande interdite. HgTe est un candidat idéal car c’est un semi-métal sous forme massive et la transition excitonique observée dans les nanocristaux de HgTe résulte donc d’un pur effet de confinement quantique.
Dans cette étude, les auteurs ont utilisé des puits quantiques colloïdaux (nanoplaquettes) de HgTe récemment synthétisés par le groupe de Sandrine Ithurria à l’ESPCI. La géométrie 2D, avec un contrôle de l’épaisseur à la monocouche atomique près, conduit à des propriétés excitoniques exemptes d’élargissement inhomogène (i.e. le spectre d’ensemble est le même que celui d’une particule individuelle). Tout l’enjeu est ensuite de rendre ces matériaux conducteurs et photoconducteurs. Cela est possible en modifiant la chimie de surface des nanoplaquettes. Les auteurs ont démontré que ces modifications augmentent non seulement le couplage interparticules mais permettent aussi un contrôle de la densité de porteur de charge. Pour ce faire, ces nanoplaquettes sont intégrées dans des transistors électrolytiques (figure 1) et le matériau peut être soit conducteur d’électrons (type n) ou conducteur de trous (type p) selon la chimie de surface utilisée.
Figure 1 : En haut, courbes de transfert de transistors à base de nanoplaquettes de HgTe, avec S2- comme chimie de surface (à gauche) ou de l’ethanedithiol (à droite). En bas, schéma de principe du transistor dans lequel le transport se fait par saut entre proches voisins.
L’apport de la photoémission résolue en temps
Les auteurs ont par ailleurs montré que les propriétés de photoconduction sont également gouvernées par la chimie de surface des nanoplaquettes. Le matériau p est un bien meilleur photoconducteur, grâce à son niveau de Fermi positionné plus profondément dans le gap. Le temps de réponse de ces transistors sous illumination est de l’ordre de 100µs à 1ms. Il convenait alors de comprendre si cette dynamique était une performance intrinsèque au matériau ou était au contraire déterminée par des paramètres liés au dispositif.
Pour ce faire, les auteurs ont utilisé la photoémission résolue en temps sur la ligne TEMPO de SOLEIL. La figure 2 donne un schéma de principe de l’expérience. Cet instrument donne une mesure des temps de relaxation des porteurs majoritaires et minoritaires. Les temps typiques obtenus sont dans la gamme de 100ns à 1µs (figure 2, en bas) en fonction de la chimie de surface employée, ce qui suggère que les temps de réponse actuelles des phototransistors peuvent encore être réduits de trois ordres de grandeurs en adaptant la géométrie des dispositifs.
Figure 2 : En haut, Schéma de principe de la photoémission résolue en temps utilisée pour déterminer les temps de relaxation des porteurs majoritaires et minoritaires dans les puits quantiques colloïdaux de HgTe. En bas, suivi temporel de la relaxation de l’énergie de liaison de l’état 4f du mercure en réponse à un créneau de lumière
Le prochain enjeu est d’étendre cette méthode à des matériaux à encore plus faible gap présentant des propriétés optiques dans le moyen et lointain infrarouge.