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Verres métalliques de cérium sous pression et température

Les verres métalliques suscitent un intérêt grandissant dû à leurs propriétés mécaniques, thermiques et magnétiques remarquables par rapport à leurs homologues cristallins [1,2]. Parmi eux, les verres métalliques à base de cérium (VM-Ce) se distinguent par l'existence de polyamorphisme sous pression : une transition de phase entre deux phases amorphes avec changement de densité et/ou de structure locale à la transition [3]. Des verres métalliques à base de cérium ont été étudiés sur la ligne ODE afin de tenter de mieux comprendre ce phénomène de polyamorphisme.

L’origine de la transition de phase amorphe-amorphe chez les VM-Ce n’a pas été clairement établie, même s’il a été proposé que la délocalisation électronique sous pression de l’électron 4f du cérium soit responsable du polyamorphisme dans ces systèmes [4].

L’origine de cette transition est une question qui intéresse également les spécialistes de la physique des matériaux amorphes. En effet, les VM-Ce sont très différents des systèmes qui montraient jusqu’à aujourd’hui du polyamorphisme sous pression (verres d’oxyde notamment), si bien qu’aucune transition de ce type n’était attendue.  Les changements de structure (nombre de coordinence…) et de densité à la transition sont probablement très différents de ce qui a été observé dans les verres plus « classiques » (non métalliques) [5]. Accéder à ces informations est essentiel afin de revoir notre compréhension du concept de polyamorphisme.

Enfin,  du fait que seuls les verres riches en cérium ont montré du polyamorphisme, le rôle du cérium lors de cette transition semble décisif. De ce point de vue, l’analogie entre les propriétés physiques du cérium pur et le comportement des VM-Ce semble une piste intéressante à explorer.

L’objectif du travail décrit ici était donc d’apporter des éléments de réponse sur ces différentes problématiques. Pour ce faire, deux VM-Ce ont été synthétisés, un ternaire et un quaternaire,  de proportion en cérium assez proche (60% et 70 % respectivement). Ce travail se démarque donc des études qui ont été menées jusque-là (toutes sur des verres binaires de type Ce-Al) par une étude de systèmes présentant une aptitude à l’amorphisation élevée, dont il est possible de produire des matériaux massifs à grand potentiel technologique.

Dans un premier temps, l’origine électronique du polyamorphisme dans les Ce-VM a été déterminée par des mesures d'absorption de rayons x (XANES) au seuil L3 du cérium sur la ligne ODE. La délocalisation sous pression de l’électron 4f du cérium des Ce-VM a été observée, délocalisation déjà observée dans le cérium pur cristallin et responsable d’une transition de phase (dites γ-α) sous pression de cet élément.

En parallèle a donc été menée une étude complémentaire sur les propriétés du cérium pur. Lors de ce travail, il a en particulier été démontré que le cérium est le seul élément  solide possédant un point critique à haute pression et haute température [6]. Le cérium pilotant le polyamorphisme des VM-Ce, la dernière partie du travail réalisé sur la ligne ODE s’est naturellement focalisée sur l’existence d’un tel point critique dans le diagramme de phase des verres, un point essentiel pour la physique des amorphes en général. Là encore, des mesures de d’absorption au seuil L3 du cérium ont été menées à haute pression, mais aussi à haute température au voisinage du liquide surfondu. Il a notamment été montré qu’à température ambiante la délocalisation électronique de l’électron 4f montrait de l’hystérèse sous pression. A contrario, à plus haute température, aucun cycle d’hystérésis des propriétés électroniques n’est observé sous pression. Cet effet cinétique n’est cependant pas accompagné de changement significatif de l'équation d'état sous température et les changements structuraux observés sous pression à haute température ne diffèrent pas de ceux observés à 300 K.

FIG1. Verre métallique Ce60Al20Cu20 à 300 K (gauche) et 330 K (droit). Noir : pression ambiante. Rouge : haute pression. Pointillés : après décompression. Les flèches montrent les composés 4f0 (itinérant) et 4f1 (localisé).

FIG2. Verre métallique Ce69Al10Cu20Co1 à 355 K. Noir : pression ambiante, rouge : haute pression, pointillés: après décompression. Droite : spectres XANES à 300 K (noir) et à 355 K (rouge). Ligne continue : 4 GPa sous compression, ligne pointillée : 4 GPa en décompression. Encadré : différence entre les spectres XANES à 4 GPa en compression et décompression divisée par le spectre de compression  (en %).

 

 

Références:

[1] E. Lutanie, Mater. today 12, 12 (2009).

[2] B. Zhang, D. Q. Zhao, M. X. Pan, W. H. Wang, and A. L. Greer, Phys. Rev. Lett. 94, 205502 (2005)

[3] G. Marsh, Materials Today 6, 38 (2003)

[4] H. W. Sheng, H. Z. Liu, Y. Q. Cheng, J. Wen, P. L. Lee, W. K. Luo, S. D. Shastri, and E. Ma, Nature Mater. 6, 192 (2007)

[5] M. Duarte, P. Bruna, E. Pineda, D. Crespo, G. Garbarino, R. Verbeni, K. Zhao, W. Wang, A. Romero, and J. Serrano, Phys. Rev. B 84, 224116 (2011)

[6] F. Decremps, L. Belhadi, D. Farber, K. Moore, F. Occelli, M. Gauthier, A. Polian, D. Antonangeli, C. Aracne-Ruddle, and B. Amadon, Phys. Rev. Lett. 106, 065701 (2011)