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Il y a 320 millions d'années, un insecte d'un groupe éteint de sauterelles, et colonisé par un petit acarien, s’est trouvé rapidement enfoui puis fossilisé. Le couple d’animaux fossiles a récemment été découvert en Chine puis a été étudié à SOLEIL par des équipes russe, chinoise et françaises. La technique de microtomographie en contraste de phase sur la ligne PSICHÉ a permis de visualiser cet acarien de seulement 0,8 mm de long en trois dimensions et de révéler les détails de son anatomie. Ces détails morphologiques, ainsi que la position de l'acarien sur l'insecte hôte suggèrent une association phorétique, c'est-à-dire que la sauterelle servait de moyen de transport à son compagnon, sans elle-même en tirer bénéfice ou s’en trouver désavantagée. Ces résultats mettent en évidence la plus ancienne symbiose d’acarien jamais observée.
Cette étude a été rendue possible grâce à la lumière synchrotron et aux performances du tomographe de la ligne PSICHÉ, qui est ouvert aux utilisateurs depuis septembre 2014. L'instrument a été conçu et optimisé pour les expériences de science des matériaux (matériaux composites ou structurés, batteries, études sur la corrosion, la fatigue ou la déformation, …) mais cet exemple démontre que son utilisation n'est pas limitée à ces applications.
Figure 1 : La sauterelle et l'acarien vieux de 320 millions d'années. Gauche : photographie du fossile, Centre : Vue d'artiste montrant la position de l'acarien, Droite : Tomographie de l'acarien en contraste de phase. © MNHN - Ninon Robin / Olivier Béthoux / Damien Germain / Andrew King
Le principe de la tomographie en contraste de phase est le même que celui d'un scanner médical. L'échantillon est placé sur une table de rotation. Il est "éclairé" par les rayons X, et une image en projection (ou radiographie) est formée sur un détecteur placé en aval. Une série d'images (1500 le plus souvent) est prise pendant la rotation de l'objet sur 180°, il est ainsi radiographié sous tous les angles de vue. Un calcul complexe permet ensuite de reconstruire la structure en 3D de l'objet à partir de toutes ces images en projection. Cette technique permet en particulier de voir l'intérieur de l'échantillon, sans avoir à le découper.
Cette méthode d'analyse est donc particulièrement adaptée aux échantillons de valeur ou uniques (comme ici les fossiles) puisqu'elle est "non-destructive". En science des matériaux, elle permet également d'étudier l'évolution des échantillons avec le temps, comme, par exemple, lorsque l'on déforme un objet ou que l'on charge une batterie.
Figure 2 : Principe de la tomographie d'absorption (à gauche) ou en contraste de phase (à droite). Dans les deux cas, le volume 3D de l'objet est reconstruit à partir des ∼1500 radiographies.
Le tomographe de PSICHÉ est beaucoup plus sensible et offre une meilleure résolution spatiale qu'un scanner médical, un peu comme si on comparait un microscope à une loupe classique. Les propriétés particulières du rayonnement synchrotron permettent en outre d'utiliser la technique de contraste de phase dont la sensibilité est plus élevée que celle de l'absorption utilisée classiquement en radiographie. En effet, cette lumière synchrotron est très intense, et partiellement cohérente spatialement, ce qui signifie que les ondes lumineuses en différents points du faisceau de rayons X éclairant l’échantillon sont en phase les unes avec les autres. Quand elles traversent cet échantillon, elles se déphasent, ce qui crée un phénomène d'interférence observable par le détecteur, qui est alors placé à une distance optimisant le contraste. On peut ainsi mettre facilement en évidence de faibles variations de la densité de l'échantillon. Et c'est ce qui permet d'étudier en détails des objets de moins d'un millimètre comme cet acarien de 320 millions d'années.
En 2017, la ligne PUMA, dédiée à l'étude des matériaux anciens, ouvrira ses portes aux utilisateurs à SOLEIL. Ils pourront, entre autres, y "tomographier" comme sur PSICHÉ leurs objets, ce qui nous promet, sans doute, d'autres belles découvertes …
Ces résultats ont été obtenus par la collaboration :
- Centre de Recherche sur la Paléobiodiversité et les Paléoenvironnements (CR2P, UMR 7207), Sorbonne Universités, MNHN, CNRS, UPMC-Paris6, Muséum National d’Histoire Naturelle, 57 Rue Cuvier, CP 38, 75005 Paris, France
- Arthropoda Laboratory, Paleontological Institute, Russian Academy of Sciences, Profsoyuznaya Ulitsa 123, Moscow 117647, Russia
- College of Life Science, Capital Normal University, 105 Xisanhuanbeilu, Haidian District, Beijing 100048, China
- Synchrotron SOLEIL, BP 48 Saint-Aubin, 91192 Gif-sur-Yvette, France
- IPANEMA, CNRS, Ministère de la Culture et de la Communication, Université de Versailles, USR 3461, Université Paris-Saclay, 91192 Gif-sur-Yvette, France