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Des expériences de spectroscopie de photoélectrons résolue en angle (ARPES) réalisées à 6 K sur des nanofils atomiques de Pt/Ge(001) apportent de nouveaux éléments pour comprendre les phénomènes physiques impliquant les électrons unidimensionnels sur les surfaces solides
Intérêt actuel pour la physique à basse dimension
En physique des solides, nous apprenons que les électrons dans les métaux unidimensionnels subissent une transition métal- isolant induite par l'instabilité de Peierls causée par les interactions électron-phonon, ou présentent un comportement de liquide de Luttinger causé par les interactions électron-électron à basse température. Les nanofils atomiques formés par adsorption de métal sur des surfaces de semi-conducteurs offrent une opportunité d'étudier de tels phénomènes fascinants d’électrons unidimensionnels. Toutefois, jusqu'à présent, l'existence de défauts dans les nanofils entravait en grande partie les manifestations de ces phénomènes. La capacité à produire des nanofils atomiques hautement ordonnés sur des surfaces est donc essentielle, non seulement pour déterminer s'ils présentent l'instabilité de Peierls ou un comportement de liquide de Luttinger, mais aussi pour comprendre la nature universelle des systèmes électroniques unidimensionnels.
Le groupe de Koichiro Yaji a réussi à préparer des échantillons mono-domaines de nanofils atomiques, sans défauts et sans cassures, par adsorption de Pt sur des substrats de Ge(001) (nanofils Pt/Ge(001)), qui conviennent très bien à l'étude des électrons unidimensionnels. Les propriétés électroniques des nanofils Pt/Ge(001) dans l'état fondamental au niveau de Fermi (EF) ont été étudiées in situ sur la ligne CASSIOPEE par spectroscopie de photoélectrons résolue en angle (ARPES) à 6 K, une température suffisamment basse par rapport à la transition de phase structurale de ces nanofils.
Observation expérimentale d'une bande métallique unidimensionnelle idéale
Des spectres de photoélectrons résolus en angle des nanofils Pt/Ge(001) ont été enregistrés sur la ligne de lumière CASSIOPEE. Celle-ci permet d'optimiser l'énergie de photon et de sélectionner une polarisation avec une résolution élevée en énergie et en angle afin d’étudier les bandes de surfaces métalliques unidimensionnelles. La figure (a) présente la cartographie de la surface de Fermi à 6 K. Sur cette surface de Fermi, deux bandes de surface métalliques unidimensionnelles, nommées S1 et S2, sont clairement identifiables. La surface de Fermi de S1 est constituée de lignes droites dans la direction ky, ce qui indique que S1 disperse uniquement dans la direction du nanofil. S1 est donc un état métallique unidimensionnel idéal, découplé électroniquement des nanofils voisins. La figure (b) représente une structure de bandes typique des nanofils Pt/Ge(001). S1 présente une dispersion élevée et croise EF dans la bande interdite du volume du substrat.
Comportement de gaz de Fermi d'une bande métallique unidimensionnelle
Les résultats en ARPES montrent clairement qu'il n'y a pas d'ouverture de bande interdite à l'énergie de Fermi EF. Par conséquent, S1 ne contribue pas directement à la transition de phase structurale et est stable par rapport à l'instabilité de Peierls, à supposer que cette dernière existe. Il est possible que les interactions électron-phonon ne soient pas suffisamment fortes pour induire une transition structurale avec le vecteur de nesting pour S1 par le processus d'instabilité de Peierls. La figure (c) présente la courbe de distribution d'énergie de S1 analysée pour identifier un éventuel comportement de liquide de Luttinger. La forme spectrale est en accord avec la fonction de distribution de type Fermi-Dirac normale, sans aucune indication du comportement en loi de puissance prédit pour un liquide de Luttinger.
Nouvelles observations d'électrons unidimensionnels sur des surfaces solides
La surface de Fermi de l'une des bandes métalliques de nanofils Pt/Ge(001) hautement ordonnés présente des segments strictement rectilignes, ce qui indique clairement qu'il s'agit d'un état métallique unidimensionnel idéal. Cependant, le poids spectral dû à cette bande n'est pas supprimé à EF, et la forme spectrale correspond à une fonction de distribution de type Fermi-Dirac, même à 6 K. Ces nouveaux résultats, en contradiction avec les modèles utilisant l'instabilité de Peierls ou les liquides de Luttinger, apportent une contribution précieuse à la phénoménologie des systèmes de nanofils/semiconducteurs et constituent une avancée majeure vers la compréhension des phénomènes physiques fascinants avec les électrons unidimensionnels sur les surfaces solides.
Cartographie ARPES à énergie constante au niveau de EF de nanofils Pt/Ge(001) avec des échantillons à domaine unique formés sur le substrat vicinal de Ge(001). L'intensité des photoélectrons est représentée par une échelle colorée.
Image ARPES enregistrée suivant kx. Les courbes tiretées représentent les structures de bandes de S1 et S2, qui ont été ajustées sur les données.
Courbe de la distribution d'énergie intégrée de S1 au voisinage de EF dans une zone de Brillouin de surface.