Depuis quelques années, les sources de lumière sont au cœur de la recherche. Qu’elles soient utilisables sur « table », ou bien grand instrument de centaines de mètres, elles permettent de repousser les limites d’échelle d’étude, tant spatiales que temporelles. En ce sens, les récents lasers à électrons libres ou autres sources à génération d’harmoniques d’ordre élevé font l’objet d’un intense développement, alors que certaines de leurs caractéristiques sont à ce jour impossible à mesurer. Une étude théorique menée par des physiciens du synchrotron SOLEIL et publiée début mars dans la revue Nature Communications propose justement une méthode inédite pour déterminer avec précision les dimensions temporelles des impulsions délivrées par ces nouvelles sources de lumière.
Les sources de lumière actuellement utilisées en science délivrent le plus souvent une lumière invisible, optimisée dans les gammes des ultra-violets et des rayons X (XUV). Dans le cas des lasers à électrons libres (FELs) ou des sources à génération d’harmoniques d’ordre élevé (HHG), on parle d’impulsions ultracourtes, à l’échelle de la femtoseconde (1fs = 10^-15s) voire de l’attoseconde (1as = 10^-18s). Jusqu’à présent, et en particulier sur les FELs, il était impossible de mesurer précisément la durée des impulsions X, et les scientifiques devaient se contenter d’estimations. L’équipe du synchrotron SOLEIL a développé une méthode pour permettre ce type de mesure en s’inspirant de plusieurs techniques existantes. D’abord, l’idée est d’utiliser une méthode bien connue baptisée « FROG » (Frequency Resolved Optical Gating) (cf figure 1). Cette méthode utilisée depuis longtemps sur des lasers dans le domaine du proche visible et dans le domaine XUV sur des expériences de taille réduite n’avait jamais été adaptée aux grands instruments. Les algorithmes utilisés pour traiter les mesures ont ensuite été adaptés pour intégrer une approche statistique inspirée de récents progrès en imagerie par diffraction cohérente.
Figure 1 : Schéma de principe de l’analyse des caractéristiques de l’impulsion XUV. Un laser standard est combiné avec l’impulsion issue de la source XUV, le tout sous un jet de gaz pour provoquer la photoionisation. Les photoélectrons collectés vont donner accès aux informations temporelles sur l’impulsion XUV.
Cette méthode permet de prendre en compte la décohérence inhérente à des sources de lumière de grande taille, telle que des fluctuations des impulsions durant la mesure, ou la résolution limitée des spectromètres utilisés. En pratique, l’idée revient à considérer les données obtenues comme le résultat de la présence de nombreux états statistiques de l’impulsion XUV. L’analyse permet alors de déterminer si 99% des impulsions accumulées pendant la mesure sont identiques, ou bien si plusieurs états coexistent.
Ces questions relatives aux caractéristiques temporelles des sources XUV sont loin d’intéresser uniquement les théoriciens. Mieux connaître les impulsions issues de ces sources permet ensuite de mieux traiter les données récoltées sur les expériences utilisant cette lumière. Reste désormais à dépasser le stade de la simulation et à tester la méthode à la fois sur les sources HHG et FEL.
SOLEIL et les lasers à électrons libres
SOLEIL est l’un des partenaires de LUNEX5 (Laser à électrons libres Utilisant un Nouvel accélérateur pour l’exploitation du rayonnement X de 5ème génération), un nouveau projet de Laser à Électrons Libres (LEL) avancé proposé par un consortium de 8 laboratoires en France, qui vise à étudier la production d’impulsions ultra-courtes (fs), intenses et cohérentes dans la région des rayons X mous (20 - 4 nm).