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Un nouvel outil pour l’étude de la matière gazeuse en interaction avec des photons dans l’UV lointain (VUV)

Les stations expérimentales sont une partie critique d'une installation synchrotron et doivent être construites en parfait accord avec les caractéristiques du rayonnement synchrotron afin que les utilisateurs puissent tirer pleinement parti des sources de lumière de troisième génération. On peut considérer la station expérimentale comme le capteur d'une caméra : pour obtenir une image de bonne qualité, les lentilles (ligne de lumière) et le capteur (station expérimentale) doivent tous deux satisfaire aux exigences. Il y a cependant une légère complication, car chaque utilisateur souhaite régler la qualité d'image en fonction de ses besoins. Ainsi, la station expérimentale doit être extrêmement polyvalente tout en garantissant un certain degré de spécialisation pour des besoins individuels sur mesure, le tout d'une manière ergonomique et fiable : un vrai défi !

DEISRS, SAPHIRS et DELICIOUS 3…

Sur la ligne de lumière DESIRS, deux stations expérimentales sont accessibles aux utilisateurs extérieurs. L'une d'elle, la chambre à jet moléculaire SAPHIRS, est dédiée aux processus de photoionisation en couche de valence en phase gazeuse, par lesquels une molécule neutre est ionisée et un cation et un électron sont produits. Les utilisateurs et les membres de l'équipe étudient de nombreux systèmes allant des atomes nus aux nanoparticules, couvrant ainsi plusieurs disciplines scientifiques.

Figure 1 : Principe général de DELICIOUS III. PSD=Position Sensitive Detectors (détecteurs sensibles à la position)

Pour obtenir une image complète du phénomène de photoionisation, les chercheurs commencent par réduire fortement le nombre d'états initiaux disponibles dans le neutre en utilisant un jet moléculaire (ou une expansion supersonique), dans lequel l'énergie interne du neutre est convertie en énergie cinétique dans la direction du jet. Ils étudient alors de manière aussi détaillée que possible l'état final constitué d'un électron éjecté et d'un cation, ainsi que la manière dont l'énergie initiale transférée dans le système est partagée et évolue entre les différents degrés de liberté (continuums électronique et nucléaire).

Pour atteindre cet objectif de la manière la plus complète possible, le spectromètre DELICIOUS III a été conçu pour résoudre temporellement les différents événements de photoionisation, afin qu'un électron puisse être corrélé à un ion donné provenant du même événement de photoionisation. Cet effet est nommé « dispositif de coïncidence photoion-photoélectron » (PhotoElectron PhotoIon COincidence scheme, ou PEPICO). Plus précisément, le spectromètre (comme indiqué dans la Figure 1) est basé sur un concept de double imagerie, qui fournit le vecteur vitesse complet du cation, c'est-à-dire l'énergie cinétique totale et les angles d'éjection, et corrèle ces informations avec les images cartographiées de vitesse du photoélectron de manière à pouvoir filtrer les photoélectrons suivant la masse, la direction et l'énergie cinétique de l'ion. Pour une description complète des performances, le lecteur est invité à consulter la publication citée ci-dessous.

Les données multidimensionnelles fournies par DELICIOUS III peuvent être réduites de nombreuses manières -voir l’exemple avec N2 pour une présentation d'ensemble- ouvrant des perspectives nouvelles et intéressantes, notamment en photochimie ou en science des agrégats.

Autre point important, le spectromètre a été conçu en interne à SOLEIL, des simulations par tracé de rayons jusqu'à la conception mécanique, et la majorité des circuits électroniques ont été créés sur mesure par des groupes voisins, perpétuant ainsi le savoir-faire de la région d'Orsay et de Saclay.

Exemple : photoionisation du N2 au-dessus du premier seuil de dissociation

La photoionisation du N2 à une énergie de photon de 25,6 eV produit un électron et un cation N2+ avec une large distribution d'énergies internes, qui dépend de l'énergie cinétique du photoélectron éjecté. Si l'énergie interne est supérieure au seuil de dissociation, l'ion parent se décompose en N + N+. La Figure 2 présente les images brutes de coïncidence du photoélectron et du photoion pour N2+ et Nw après application du filtre de masse. La position et les temps d'arrivée des particules sont ensuite extraits et convertis en distributions de vitesse pour obtenir les résultats présentés dans la Figure 3.

Figure 2 : (a) Spectre de masse avec les ions N2+ et N+. Les figures de gauche, (b) et (d), présentent les images des photoions pour les masses N2+ et N+, respectivement. Les figures de droite (c) et (e) correspondent aux photoélectrons corrélés à la production de N2+ et de N+, respectivement. Dans toutes les images 2D, le rayon est proportionnel à l'énergie cinétique des particules. Une vue d'ensemble des informations pouvant être extraites de ces images est présentée dans la Figure 3 ci-dessous.

Figure 3 : Diagrammes de corrélation d'énergie cinétique électronique/ionique pour la photoionisation de l'azote moléculaire au-dessus du seuil d'ionisation dissociative pour les masses N2+ et N+. Lorsque le photoélectron est éjecté, l'énergie interne de l'ion N2+ est donnée par la conservation d'énergie avec la formule : hv=Eint + KEele ; c'est pourquoi des électrons très rapides sont corrélés à des ions de faible énergie interne. À l'inverse, pour les photoélectrons lents, l'ion parent disposera d'une réserve d'énergie importante qui sera dissipée par dissociation suivant N2+ -> N+ + N. Ainsi, le volet (a) montre que l'ion N2+ n'a pas d'énergie de translation (ne provient pas d'un événement de fragmentation) et peut seulement exister pour les photoélectrons rapides. Le volet (b) montre que le fragment N+ apparaît seulement pour les photoélectrons lents (KEele<1,25 eV, corrélé à l'état électronique C du cation N2+), et le fait que l'intensité apparaît suivant une ligne diagonale signifie qu'un seul canal de dissociation est ouvert. La figure montre clairement la spectroscopie de l'ion parent ainsi que ses voies de fragmentation : énergies d'apparition et hauteurs de barrière.