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Nouvelles informations structurales sur la bactérie impliquée dans les ulcères et cancers de l’estomac

La bactérie gastrique pathogène Helicobacter pylori, responsable de la majorité des ulcères gastro-duodénaux et des cas de cancer de l’estomac à travers le monde, est hautement adaptée à survivre dans l’estomac humain. L’une de ses importantes stratégies de survie implique de se fixer étroitement à la muqueuse de l’estomac, à l’abri des sucs gastriques. Pour ce faire, H. pylori adhère aux molécules de polysaccharides constituant les antigènes des groupes sanguins du mucus gastrique et des cellules sous-jacentes. Des chercheurs des laboratoires de Han Remaut au VIB de l’Université libre de Bruxelles, et de Thomas Borén à l’Université d’Umeå en Suède, ont obtenu des informations structurales et fonctionnelles détaillées sur BabA, la protéine responsable de cette interaction polysaccharide/bactérie. Une partie des données ayant permis d’obtenir ces informations ont été collectées sur les lignes PROXIMA1 et PROXIMA2.

BabA s’est révélée être une molécule caméléon qui adapte ses propriétés et ses préférences envers tel ou tel sucre des groupes sanguins ABO en fonction de sa prévalence chez les différentes populations humaines. Mais cette nouvelle étude révèle également le talon d’Achille de la protéine : une courte boucle qui entoure un sucre crucial des antigènes des groupes sanguins, interaction qui est détruite par des molécules réductrices telles que l’acétylcystéine.

Instantanés d’un caméléon moléculaire

H. pylori est associé à l’Homme depuis ses plus anciennes migrations, et est aujourd’hui. toujours présent chez plus de la moitié de la population mondiale. Le génome de cette bactérie évolue rapidement et s’adapte en permanence aux changements de conditions chez son hôte. Kristof Moonens et ses collègues proposent à présent, dans Cell Host & Microbe, comment la forte variation de séquences de l’adhésine BabA chez la bactérie peut la conduire à s’adapter de façon à se fixer aux antigènes des groupes sanguins humains.

Kristof Moonens (VIB/VUB): ‘En déterminant les structures 3D de différentes protéines BabA par biocristallographie X, nous avons pu établir un schéma général de la fixation des antigènes à l’adhésine. Le groupe de Thomas Borén avait précédemment montré que des souches de H. pylori “spécialisées” se fixent uniquement au tissu de l’estomac d’individus du groupe sanguin O, alors que des souches « généralistes » interagissent avec les tissus de tous les individus, quel que soit leur groupe sanguin. Maintenant nous savons qu’un réseau d’acides aminés de BabA est à l’origine de ces différences dans les préférences de fixation.’

Perspectives pour des thérapies d’éradication de H. pylori 

La résistance des bactéries pathogènes aux antibiotiques devient un problème de plus en plus répandu et H. pylori ne fait pas exception. Aujourd’hui, les thérapies d’éradication de H. pylori reposent déjà sur la prise prolongée de cocktails de 2-3 antibiotiques. On recherche de nouvelles options de traitements ou un vaccin, en particulier pour les régions où l’infection par cette bactérie évolue en cancer de l’estomac et en épidémies d’ulcères. Cette nouvelle étude ouvre des perspectives de développement de médicaments pour perturber la capacité de la bactérie à s’accrocher à la muqueuse de l’estomac.

Thomas Borén (Université d’Umeå) : "Nous avons pu montrer qu’un traitement à la N-acétylcystéine, molécule à l’activité réductrice, détruit la fonction de la BabA et, de plus, diminue l’infiltration des neutrophiles dans la muqueuse de l’estomac, c’est-à-dire l’inflammation de l’estomac, chez les souris infectées par H. pylori ; cela ouvre des perspectives sur de potentielles thérapies d’éradication de la bactérie. L’effet additionnel de la N-acétylcystéine sur des thérapies basées sur les antibiotiques a déjà été reporté dans la littérature, mais maintenant nous avons l’explication à l’échelle moléculaire de cet effet."

Han Remaut (VIB/VUB) : "Au sein du site de fixation du récepteur de BabA aux antigènes, qui change constamment, se trouve un point d’ancrage conservé, une courte boucle contenant un pont disulfure qui entoure un des sucres (fucose) des antigènes des groupes sanguins ABO. Cet élément structural nouvellement découvert est inactivé par réduction, ce qui en fait une cible pour la conception rationnelle de nouveaux médicaments « anti-adhésion », qui réduiraient la fixation de la bactérie, l’inflammation de l’estomac et ainsi le risque de développer les maladies."

Figure 1 : éléments structuraux pour la compréhension du polymorphisme d’adhérence de H. pylori
Superposition de 3 structures de BabA (représentation « en rubans ») provenant de 3 souches de H.pylori, liées à un hexasaccharide d’antigène (molécule notée de A à F). Deux boucles DL1 et DL2 (« DL » = « diversification loop ») sont impliquées dans la capacité de la bactérie à adapter son affinité de liaison aux antigènes ABO/O. CL2 est la boucle à pont disulfure (« Cys-clasped loop ») identifié comme cible pour concevoir de nouveaux médicaments réduisant l’adhésion de H.pylori à la muqueuse de l’estomac.