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Les nanotubes de carbone peuvent s’organiser durant leur synthèse sous forme de « tapis », les nanotubes croissant perpendiculairement à un substrat. Ces tapis, de par leurs propriétés électriques et mécaniques, présentent un intérêt certain dans le domaine des matériaux composites, notamment pour des applications de stockage de l’énergie. La compréhension des mécanismes de formation des nanotubes, la maîtrise de leurs caractéristiques structurales comme de leur organisation intéressent une large communauté de chimistes et de physiciens, en recherche fondamentale comme dans l’industrie. Des chercheurs ont développé et mis en œuvre un projet original, soutenu par l’ANR : l’étude in situ et résolue en temps, par diffraction des rayons X, de la croissance des nanotubes.
Les expériences ont été menées sur la ligne CRISTAL dans un réacteur prototype spécialement conçu pour l’étude et qui permet d’étudier la germination puis la croissance des nanotubes dans des conditions similaires à celles utilisées à plus grande échelle. La croissance des nanotubes est réalisée par CCVD (Catalytic Chemical Vapor Deposition) en une seule étape, grâce à un aérosol à base de toluène et de ferrocène alimentant simultanément et continûment le réacteur de synthèse. Les signaux mesurés en début de croissance des nanotubes, avec extrêmement peu de matière, requièrent l’utilisation du rayonnement synchrotron. Les scientifiques ont pu mesurer les figures de diffraction dès la première seconde de la croissance des nanotubes puis tout au long de la croissance. L’analyse approfondie de ces données leurs a permis d’obtenir deux informations nouvelles. La première concerne la nature des particules catalytiques situées à la base des nanotubes de carbone et à l’origine de leur germination et croissance. Ils ont alors démontré qu’il s’agissait de nanocristaux de cémentite (Fe3C). La seconde concerne l’alignement des nanotubes au cours de leur croissance. Celui-ci augmente rapidement avec la longueur des nanotubes et, pour une longueur donnée, un paramètre clé est la densité des nanotubes sur le substrat de croissance, qui peut être contrôlé avec le taux d’injection des précurseurs toluène/ferrocène.
(a) Image de diffraction des rayons X réalisée in situ, à 850°C.
(b) Photographie du réacteur de croissance. La forme en « L » de la fenêtre de sortie du four a été conçue pour permettre la mesure de l’alignement des nanotubes de carbone (NTC), reflétée par les intensités différentes sur les anneaux de diffraction dans les directions horizontale et verticale sur l’image de diffraction.
(c) Image post-synthèse par microscopie électronique à balayage du tapis de nanotubes alignés. (d) Représentation schématique de la croissance des nanotubes telle que déduite de l’étude in situ : les nanoparticules catalytiques à la base des nanotubes sont des nanoparticules de cémentite Fe3C ; des nanoparticules à base de fer se forment aussi dans les nanotubes pendant leur croissance (nanoparticules de fer g pour de faibles taux d’injection des précurseurs, nanoparticules de fer g et de cémentite pour des taux plus importants).
L’une des perspectives de ce projet est d’utiliser les compétences acquises pour étudier in situ la croissance du graphène, ce nouveau matériau carboné bidimensionnel. La méthode CVD permet de produire du graphène sur substrat métallique en utilisant des mélanges d’hydrocarbures gazeux et d’hydrogène. Des efforts considérables sont réalisés actuellement pour optimiser la couverture du substrat et obtenir du graphène de bonne qualité structurale. Ceci constitue un enjeu majeur notamment pour les applications dans le domaine de l’électronique. Un nouveau four dédié à l’étude de la croissance in situ du graphène a été réalisé dans le contexte d’un projet soutenu par le labex NanoSaclay et les expériences seront menées sur la ligne DiffAbs. L’objectif est d’approfondir notre connaissance actuelle des mécanismes de croissance du graphène et d’étudier comment contrôler le nombre de couches de graphène ou leurs corrélations.