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Les « phases MAX » sont matériaux combinant les propriétés des métaux et des céramiques : réfractarité, tolérance au dommage, résistance au choc thermique à l'oxydation et la corrosion, et conservation des propriétés mécaniques à hautes températures. Ce sont donc d’excellents candidats pour des applications en environnements extrêmes, telles que celles rencontrées au cœur des réacteurs. Pour caractériser à l'échelle atomique la nature du dommage structurel subi par ces matériaux lorsqu’ils sont irradiés aux ions, des expériences de spectroscopie d’absorption X ont été réalisées sur la ligne LUCIA, sur des échantillons irradiés de céramique nanolamellaire Ti3AlC2.
Les phases MAX sont des carbures et nitrures ternaires de formule chimique Mn+1AXn, où M est un métal de transition de la première série, A est un élément du groupe IIIA ou IVA, X est un atome de carbone ou d'azote, et n = 1, 2, 3. Ces matériaux combinant les propriétés des métaux et des céramiques, ils pourraient être intéressants pour des applications en environnements extrêmes (haute température, haute pression et rayonnement), et remplissent notamment les conditions nécessaires pour des utilisations en tant que gaine de combustible au cœur des futurs réacteurs à neutrons rapides ou des réacteurs rapides refroidis au gaz.
Néanmoins, l'identification de la nature du dommage structurel induit à l'échelle atomique est la clé de la compréhension du comportement des phases MAX sous irradiation aux ions.
Premières analyses sur le Ti3AlC2: diffraction X et microscopie électronique
L'échantillon étudié est une couche mince de Ti3AlC2 épitaxiée par pulvérisation cathodique magnétron sur Al2O3 (0001). Sa structure cristalline peut être décrite comme un empilement de couches octaédriques de Ti6C intercalées avec des couches d'aluminium pur. Les irradiations ont été réalisées à température ambiante avec des ions Ar2+ de 240 keV. L'évolution de la structure a été suivie par diffraction de rayons X (DRX) et par microscopie électronique en transmission (MET). Bien que ces techniques montrent clairement la présence d’un endommagement structural, elles ne donnent pas une idée claire de sa localisation dans la structure. La phase MAX demeure cristalline bien qu’ayant subi une transformation de phase vers une nouvelle phase g. Dans ce contexte, les spectroscopies électroniques sont potentiellement intéressantes pour obtenir des informations structurales quantitatives sur le dommage induit.
Les seuils K du carbone mesurés par spectroscopie des pertes d'énergie (EELS) pour l'état vierge, irradié à 5,25 1014 Ar cm-2, et à la fluence la plus élevée de 1,5 1015 Ar cm-2 restent pratiquement non-affectés par l’irradiation (figure 1). Etant donné que le seuil K du carbone est essentiellement caractéristique des octaèdres Ti6C, il est clairement mis en évidence par EELS que les couches octaédriques sont extrêmement stables jusqu'à une dose de 1,7 d.p.a (ou une fluence de 1,5 1015 Ar cm-2).
On peut donc conclure que l'empilement des couches octaédriques voisines n'est pas affecté par le bombardement ionique. Par conséquent, les couches d'aluminium sont susceptibles d'être plus endommagées, expliquant les modifications structurales mises en évidences par DRX et MET.
Les rayons X de LUCIA pour en savoir plus
Pour avoir accès à ces informations, des expériences de spectroscopie d'absorption des rayons X polarisés linéairement (XAS) ont été menées sur la ligne de rayons X mous LUCIA à SOLEIL. Deux géométries différentes ont été utilisées afin d'étudier l'anisotropie de la distribution de charge dans les plans {a, b} et le long de l'axe c. Dans la première, appelée géométrie dans le plan, l'échantillon a été placé parallèlement au plan des rayons X: le champ électrique incident est alors parallèle à la surface de l'échantillon et on étudie les plans {a, b}. Dans la deuxième, appelée géométrie hors du plan, l'échantillon est tourné de 90°C par rapport au faisceau de rayons X, le champ électrique étant alors le long de l'axe c, direction étudiée dans ce cas. Les seuils K de l’aluminium obtenus avant et après irradiation à la fluence la plus élevée sont présentés dans la figure 2.
Après irradiation, les structures fines du seuil (XANES) sont fortement modifiées pour les deux géométries étudiées, le résultat le plus saillant étant que leurs spectres sont presque identiques. Les structures fines sont clairement moins visibles que pour l'état initial, et la position de la première oscillation EXAFS est la même, confirmant que les modifications induites par ions de la structure cristalline de Ti3AlC2 se produisent dans les couches d'aluminium. Il est particulièrement intéressant que le spectre XANES après irradiation soit, contrairement à celui de l'état initial, pratiquement isotrope, reflétant une distribution de charge plus isotrope autour des atomes d'aluminium. Ce fait peut être interprété comme suit: les atomes d'aluminium ont été déplacés d'un site prismatique trigonal fortement anisotrope vers un site plus isotrope. On peut aussi supposer que les atomes d'aluminium sont organisés de façon complètement aléatoire, et que le seuil K de l'aluminium représente une moyenne de toutes ces positions, étant par conséquent isotrope.
En résumé, grâce à la spectroscopie EELS et XAS, on peut considérer que la phase g est constituée d'un composante céramique analogue à celle existant dans la phase MAX mère (deux couches octaédriques voisines de Ti6C) et d'une composante métallique où les atomes d'aluminium semblent se trouver dans un environnement isotrope.
Seuils K du carbone par EELS pour l'état vierge (en bas), bombardé à 5.25 1014 Ar cm2 (au milieu), et à 1.5 1015 Ar cm2 (en haut)
Seuils K de l'aluminium par XANES pour l'état vierge (en bas), et bombardé à 1.5 1015 Ar cm2 (en haut) pour les polarisations {a, b} et c.