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L’évolution de l’oxydation du Fer dans les serpentinites lors de la subduction

Les serpentinites sont des roches qui constituent une part importante de la lithosphère océanique. Ces roches incorporent dans leur structure une grande quantité d’eau lors de leur formation et jouent un rôle clé pendant l’enfouissement et le recyclage de la lithosphère océanique dans les zones de subduction. En effet, l’enfouissement progressif de ces roches dans le manteau est accompagné d’un métamorphisme prograde (transformation à l’état solide des roches en réponse à une augmentation de pression et de température du milieu) entraînant la libération de fluides dont la nature pourrait être influencée par l’état d’oxydation du fer.

Une équipe française, composée de chercheurs du Laboratoire Magmas et Volcans de Clermont-Ferrand, de l’Université de Lyon, de l’Institut des Sciences de la Terre de Grenoble et de l’Institut de Physique du Globe de Paris, s’est intéressée à l’évolution de l’état d’oxydation du fer (rapport Fe3+ / [Fe3+ + Fe2+]) dans les serpentinites le long de la zone de subduction via l’étude d’ophiolites (morceaux de lithosphère océanique charriés sur le continent lors de la formation d’une chaîne de montagne)  situées dans les Alpes Occidentales. Leurs travaux ont été récemment publiés dans le journal «  Earth and Planetary Science Letters » et permettent de mettre en lumière le rôle de l’évolution redox des serpentinites sur la nature des fluides formés en zone de subduction.

Le transfert de chaleur, depuis le centre de la terre vers l'extérieur, entraîne la déformation et le fluage des roches du manteau terrestre jusque dans sa partie supérieure appelée asthénosphère. Plus froide et plus rigide, la lithosphère se déplace sur l’asthénosphère. La surface du globe est constituée de différentes plaques lithosphériques, qui peuvent être océaniques, continentales, ou océan-continent. Ces plaques interagissent entre elles à leurs limites. Lorsque deux plaques convergent et se rencontrent elles donnent lieu au phénomène de subduction des plaques océaniques, parfois suivi de collision des plaques continentales, entrainant ainsi la formation de chaîne de montagnes. Lors de la subduction d’une plaque océanique sous une autre, les roches de la lithosphère subduites sont soumises à de fortes élévations de température et de pression et sont transformées à mesure qu’elles s’enfoncent dans le manteau terrestre. L’étude de l’évolution de l’état d’oxydation du Fer dans les serpentinites par différentes méthodes (observation d’échantillons, mesures magnétiques, microscopie électronique à balayage et enfin micro-spectroscopie par absorption des rayons X sur la ligne de lumière LUCIA au synchrotron SOLEIL) a permis de démontrer que pendant la subduction, le rapport Fe3+ / [Fe3+ + Fe2+] diminue dans les serpentinites alors que leur teneur en Fer est globalement constante. Ce phénomène est directement lié à une libération importante d’oxygène, démontrant ainsi que les fluides libérés par les serpentinites en zone de subduction ont un potentiel oxydant très fort. Ces fluides vont permettre la fusion du manteau sus-jacent et engendrer la formation d’un magmatisme d’arc dit « oxydé », à l’origine de la croûte continentale.

Comme le confirme Baptiste Debret, co-auteur de l’étude, « Les travaux menés sur la ligne de lumière LUCIA à SOLEIL représentent une avancée importante dans la compréhension  des processus d’oxydo-réduction et de la nature des fluides libérés par les serpentinites lors du métamorphisme en zone de subduction. ». Le chercheur a d’ailleurs entrepris l’étude de ces phénomènes dans un massif unique au monde : Cerro del Almirez en Espagne.

Figure : Cycle de la lithosphère océanique en aquarelle (figure issue du livre « A la recherche des Océans disparus dans les montagnes françaises » de C. Nicollet & C. Laverne).