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Le transfert des nanoparticules de TiO2 dans la chaîne alimentaire dépend de la texture du sol

Des chercheurs du Laboratoire écologie fonctionnelle et environnement (EcoLab) de Toulouse, du CEA de Grenoble (INAC), de la microsonde nucléaire du CEA de Saclay (LEEL) et de la ligne de lumière LUCIA ont étudié l’influence de la nature du sol sur le devenir des nanoparticules, de plus en plus présentes dans notre environnement.

Pendant un peu plus d'une décennie, les nanotechnologies ont suscité l'intérêt des industriels et des scientifiques du monde entier. Le nombre de produits commerciaux disponibles sur le marché qui contiennent (officiellement) des nanoparticules a augmenté de 54 à 2850 entre 2005 et 2016, dans tous les domaines de la vie quotidienne. Parmi ces nanoparticules, celles de TiO2 sont parmi les plus utilisées et apparaissent dans environ 25 % des produits, d'après les bases de données sur les nanoparticules. Le développement de l'utilisation des nanoparticules de TiO2 conduit inévitablement à leur diffusion croissante dans l'environnement. Par ailleurs, l'épandage de boues de station d'épuration, avec une concentration élevée en nanoparticules (2 g.kg-1), sur les sols agricoles, et l'utilisation de nanopesticides accroîtront localement la concentration en nanoparticules. Ainsi, le sol agricole est considéré comme le principal puits de nanomatériaux dans l'environnement, et les plantes cultivées comme le point d'entrée privilégié des nanoparticules dans la chaîne alimentaire, jusqu'aux êtres humains.

Une fois que les nanoparticules atteignent le sol, elles sont physiquement retenues ou chimiquement adsorbées sur la surface des particules du sol. Ces interactions peuvent atténuer leur phytotoxicité et biodisponibilité, ce qui signifie que la même pollution peut entraîner des conséquences très différentes, en fonction du type de sol.

Ainsi, pour une meilleure évaluation des risques, une équipe pluridisciplinaire a été formée pour comprendre l'influence du sol sur le devenir des nanoparticules de TiO2 dans un agroécosystème. Cette équipe rassemble de chercheurs du Laboratoire écologie fonctionnelle et environnement (EcoLab) de Toulouse, du CEA de Grenoble (INAC), de la microsonde nucléaire du CEA de Saclay (LEEL) et de la ligne de lumière LUCIA à SOLEIL.

 

Blé, TiO2, argiles et sables

Pour comprendre le rôle du sol, du blé, une céréale très cultivée dans le monde, a été exposé à des nanoparticules de TiO2 (0, 100, 500 mg·kg−1) dans 4 types de sols différents. Après plusieurs semaines d’exposition, la quantité de Ti a été mesurée dans le sol, les lixiviats1 et les feuilles de blé. La distribution du Ti dans les racines et les feuilles et la forme sous laquelle le Ti est présent (spéciation) dans les feuilles (complexation avec d’autres molécules, par exemple) a également été déterminée en utilisant des techniques d’analyse disponibles sur LUCIA (microspectrocopie de fluorescence X et micro XANES) et au LEEL (micro-émission X induite par particules, µPIXE, et Spectroscopie de rétrodiffusion de Rutherford, RBS, qui est adaptée à l’étude des éléments légers, type C, N, O).

Enfin, la phytotoxicité des nanoparticules a été évaluée par des paramètres de développement : taille, poids frais et sec, contenu en chlorophylle.

 

Les résultats obtenus dans cette étude ont montré que les nanoparticules de TiO2 peuvent être absorbées de façon significative, sans modification de la spéciation, par les plantules de blé après une exposition de 3 semaines dans un sol sablonneux dans lequel ont été ajoutées 500 mg·kg−1 de nanoparticules (Figure 1). C'est également dans ce type de sol que les nanoparticules ont pu atteindre les lixiviats en quantités plus élevées. Ainsi, si la contamination se produit dans du sable, les nanoparticules seront très mobiles vers les terrains stockant de l’eau et biodisponibles pour les végétaux cultivés, ce qui pourrait représenter un risque élevé de transfert dans la chaîne alimentaire. Cependant, le sable n'est pas un milieu pertinent pour l'agriculture. La même tendance a été observée dans le sable limoneux grossier, mais en proportions plus modestes. Par contraste, dans les sables limoneux fins et les sols limono-argileux, aucune différence n'a été relevée après l'ajout de nanoparticules au système : aucune augmentation de la concentration en Ti dans le sol (partiellement en raison du bruit de fond dû à la forte concentration naturelle en Ti du sol), aucune augmentation dans les racines et les feuilles des plantes et une augmentation faible, voire nulle, dans les lixiviats du sol. Cette différence dans le comportement des nanoparticules de TiO2 peut être mise en relation avec 3 caractéristiques du sol utilisé : teneur en carbone organique, teneur en argile et capacité d'échange cationique. Dans toutes les conditions, aucun signe aigu de phytotoxicité n'a été détecté dans les paramètres analysés.

Figure 1 : Distribution du Ti analysée par microspectroscopie de fluorescence X (ligne de lumière LUCIA) dans des racines de blé après 3 semaines d'exposition : Ti (en rouge) et Ca (en vert) dans des coupes de racines de blé cultivé dans des sols témoins (A-D) ou des sols contaminés (E-F) : sable (A-E), sable limoneux grossier (B, F), sable limoneux grossier (C, G) et limon argileux (D, H). Les nombres en rouge et les flèches indiquent l'intensité de fluorescence la plus élevée détectée dans une racine. ep. épiderme, p. parenchyme, c.v. cylindre vasculaire. Échelle graphique = 50 μm.

En conclusion générale, pour les agro-systèmes, la contamination en nanoparticules de TiO2 (après une courte période d'exposition : 3 semaines) semble avoir peu d'impact sur la santé de la plante et entrainer un faible risque de transfert vers les plantes ou les aquifères (Figure 2).

Figure 2 : Synthèse des principaux résultats de l'étude. NPs : nanoparticules.

Le sol qui présente le risque le plus élevé pour la sécurité alimentaire serait le sable silteux mais ce sol contient peu de nutriments pour la croissance des plantes et n'est pas le mieux indiqué pour l'agriculture.

Cependant, ces résultats impliquent également que les nanoparticules de TiO2 resteront dans le sol avec des conséquences possibles pour les micro et macro-organismes des sols.

 

1- Lixiviat : Pour faire la contamination, on mélange le sol avec une suspension de nanoparticules, puis on laisse l’excès de liquide (lixiviat) percoler à travers le sol.