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Des physiciens viennent d’explorer la nature discontinue du rayonnement synchrotron due à sa cohérence. Cette découverte permet de positionner le rayonnement synchrotron cohérent comme une des sources les plus performantes pour la production de peigne de fréquence dans la gamme térahertz.
La métrologie du temps et des fréquences a été révolutionnée par l’utilisation de rayonnements dont le spectre est composé d’une multiplicité de raies très fines et régulièrement espacées semblables aux graduations d’une règle. Initialement développée pour le rayonnement visible et proche infrarouge, la génération de peignes de fréquence couvre désormais les gammes de l’infrarouge moyen à l’ultraviolet. La difficulté actuelle est d’étendre cette gamme au rayonnement térahertz, situé entre la lumière infrarouge et le rayonnement micro-onde. Les sources actuelles, reposant soit sur la conversion de lumière visible ou infra-rouge, soit sur l’utilisation de lasers à cascade quantique, produisent des puissances très faibles ou couvrent des gammes spectrales très limitées. Des physiciens du Laboratoire de Physico-Chimie de l’Atmosphère (Université du Littoral Côte d’Opale), de la ligne infrarouge AILES du synchrotron SOLEIL, de l’Institut des sciences moléculaires d’Orsay - ISMO (CNRS/Univ. Paris-Sud) et de l’Institut d’Électronique de Microélectronique et de Nanotechnologie - IEMN (CNRS/Université Lille) viennent de montrer que l’émission synchrotron cohérente est constituée d’un peigne de fréquence intense et de haute densité spectrale. C’est le développement d’un spectromètre hétérodyne à ultra-haute résolution qui leur a permis de montrer que ce rayonnement, considéré jusqu’alors comme un continuum de fréquences, a en fait un spectre discret très dense de fréquences régulièrement espacées. Ce travail est publié dans la revue Nature Communications.
Pour augmenter la puissance du rayonnement émis par un synchrotron, depuis une quinzaine d’années les chercheurs ont mis au point le mode d’émission « cohérent » en réduisant la longueur des paquets d’électrons qui en tournant dans l’instrument émettent le rayonnement. Cette réduction de taille est à l’origine d’une cohérence de phase entre les émissions de photons de longueur d’onde comparable à la taille des paquets d’électrons impliquant une intensité de rayonnement près de cent mille fois supérieure au rayonnement standard. Dans ce cas, l’intensité étant proportionnelle au carré plutôt que simplement proportionnelle au nombre d’électrons stocké (typiquement un paquet est formé de plusieurs million d’électrons). Pour étudier très précisément les propriétés de ce rayonnement, les chercheurs ont développé un récepteur hétérodyne qui transpose le rayonnement térahertz mesuré dans le domaine microonde. Cette conversion de fréquence leur a permis de bénéficier d’outils d’analyse spectrale ou temporelle avancés et d’enregistrer des spectres autour de 0.2, 0.4 et 0.6 THz avec une résolution inférieure à 100 Hz. Avec cette très haute résolution spectrale ils ont eu accès à la nature purement discrète de l’émission synchrotron cohérente. Le peigne de fréquence qu’ils ont mis en évidence couvre la gamme 0.1-1 THz et présente une haute densité de modes avec un espacement entre modes de 846 kHz, correspondant à la fréquence de révolution des paquets d’électrons dans l’anneau. La largeur des pics est de quelques centaines de Hertz et le peigne ne présente pas de décalage en fréquence. Ces propriétés exceptionnelles de l’émission synchrotron dans le mode cohérent ouvrent des perspectives très intéressantes pour les études de spectroscopie à ultra-haute résolution et de cinétique réactionnelle par rayonnement synchrotron.