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Pendant la période Précambrienne, la transition entre l’Archéen (- 4 Milliards à -2,5 Milliards d’années) et le Protérozoïque (-2,5 Milliards à - 541 Millions d’années) coïncide avec le début de la tectonique des plaques telle que nous la connaissons aujourd’hui. Malgré son importance, la cause de cette transition géologique majeure reste méconnue.
Des chercheurs du Laboratoire Magmas et Volcans (Clermont Ferrand), de la ligne PSICHE de SOLEIL et du Laboratoire CEMHTI (Orléans) ont reproduit en laboratoire sur des échantillons synthétiques de composition similaire au manteau terrestre primitif, les conditions de pression et température permettant de modéliser la courbe de fusion du manteau jusqu’à environ 700 km de profondeur.
Grâce au rayonnement X très intense délivré par PSICHE, ainsi qu’à la conductivité électrique, ils ont pu détecter une fusion partielle à des températures de 200 à 250 degrés plus basses que celles généralement acceptées.
Cela implique qu’une grande partie du manteau supérieur était partiellement fondue au cours de l’Archéen, lorsque le manteau était significativement plus chaud qu’aujourd’hui. Les chercheurs suggèrent que la cristallisation finale du manteau, à la fin de l’Archéen, a modifié radicalement la dynamique de la lithosphère et du manteau.
De gauche à droite : Denis Andrault, Geeth Manthilake et Julien Chantel, du Laboratoire Magmas et Volcans de Clermont-Ferrand
Dans les premiers stades de la formation de la Terre, le manteau a fondu presque intégralement jusqu’à de grandes profondeurs. L’énergie nécessaire provenait d’une combinaison de grands impacts météoritiques, de la désintégration radioactive et de l’énergie gravitationnelle relâchée lors de la ségrégation du noyau. Ensuite, l’océan magmatique a rapidement cristallisé, selon des mécanismes physico-chimiques qui restent encore très débattus. Mais il ne fait pas de doute que l’intérieur de la Terre reste encore très chaud aujourd’hui, avec des régions du manteau partiellement fondues.
Par ailleurs, les études des terrains les plus anciens ont permis d’établir l’existence d’une série de changements majeurs représentée par l’échelle des temps géologiques. Concernant la Terre primitive, l’un de ces changements correspond à la transition entre l’Archéen et le Protérozoïque il y a 2,5 milliards d’années. A cette époque, la dynamique de la lithosphère dominée par le jeu de petites plaques instables a progressivement été remplacée par la tectonique des plaques telle que nous la connaissons aujourd’hui. Malgré l’importance de cette transition, ses causes profondes restent méconnues.
Manteau terrestre reproduit sous rayons X
Pensant qu’il pouvait y avoir une relation entre les hautes températures régnant dans le manteau primitif et la dynamique de la lithosphère, les chercheurs ont entrepris d’affiner les propriétés de fusion du manteau supérieur, situé entre 100 km et 670 km de profondeur et correspondant à des pressions entre 5 et 25 GPa.
Ils ont utilisé deux méthodes complémentaires pour la détection d’une fusion très progressive entre le solidus (apparition de la première fraction de liquide) et le liquidus (disparition des derniers cristaux) : la conductivité électrique et la diffraction des rayons X in situ. Cette seconde méthode a nécessité l’utilisation de la ligne PSICHE à SOLEIL. Ainsi, il a été possible de suivre, au cours des expériences, les transformations de phase dans l’échantillon, l’apparition de liquide, ainsi que le mouvement rapide de tous les minéraux en présence de liquide. C’était la première fois en Europe que ce type d’expérience était réalisé.
Les résultats convergent, pour une fusion du manteau, à des températures inférieures de 200-250 K à celles précédemment reportées. Une implication majeure est que le manteau supérieur devait donc être partiellement fondu pour les hautes températures régnant dans le manteau Archéen, et a fortiori au cours de l’Hadéen, qui précède l’Archéen.
Le degré de fusion du manteau reste difficile à estimer précisément, car il dépend de nombreux paramètres. Néanmoins, la fusion partielle du manteau pourrait avoir couvert une large fraction du manteau supérieur, en particulier entre 100 et 400 km de profondeur. Pendant l’Archéen, la fusion a pu favoriser un découplage mécanique entre la lithosphère et le manteau sur lequel elle repose avant que, plus tard, avec le refroidissement séculaire, la solidification finale du manteau induise un changement de dynamique globale, avec l’établissement de la tectonique des plaques et la subduction de la croute océanique.
Le cœur de la presse multi-enclumes installée sur la ligne PSICHE de SOLEIL. Un faisceau de rayon X (illustré par le doigt) permet de détecter in situ la fusion de l’échantillon mantellique comprimé au centre des enclumes cubiques jusqu’à une pression de plus de 250 000 atmosphères, soit la pression régnant à 670 km de profondeur dans le manteau.