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En sciences des matériaux, comment étudier simultanément la morphologie et les propriétés des nanoparticules ? Cette question a motivé une collaboration entre la ligne de lumière LUCIA et l'Institut des Nanosciences de Paris (CNRS - UPMC-Sorbonne Universités). Leurs résultats sont publiés dans Nano Letters.
L'énergie de surface et la contrainte de surface représentent respectivement le travail nécessaire pour créer une unité d’aire d’une surface, et pour la déformer de façon élastique. Ces notions sont au cœur même de la description thermodynamique des matériaux. Ceci est particulièrement vrai à l'échelle nanométrique, où l'augmentation du rapport surface/volume produit des comportements dépendant de la taille avec des équations de la forme : énergie de surface/taille ou contrainte/taille. Par exemple, la diminution avec la taille de la température de fusion des petites particules (équation de Gibbs-Thompson) explique pourquoi la glace devient plus croquante au fil du temps. Cependant, la dépendance de l'énergie de surface et de la contrainte de surface par rapport à la taille est très controversée. Pour les nanoparticules métalliques, notamment celles d'or, de cuivre, d'argent et de palladium, les valeurs estimées de ces grandeurs couvrent souvent un ordre de grandeur, très loin des valeurs existant dans le volume ; et il est encore plus troublant qu'aucune raison physique ne soit proposée pour expliquer ces divergences.
Ce flou souligne le manque de méthodes pertinentes pour analyser simultanément la morphologie et les propriétés des nanoparticules, ce qui constitue un problème constant en sciences des matériaux. La question a motivé une collaboration entre la ligne de lumière LUCIA de SOLEIL et l'Institut des nanosciences de Paris. L'absorption des rayons X et la réflectance UV ont été combinées à une simulation atomistique pour déterminer la taille, la forme, la structure ainsi que l'énergie d'adhésion de nanoparticules Ag/α-Al2O3(0001) en cours de croissance.
Figure : Distance interatomique Ag-Ag en fonction de l'inverse de la taille de particule sur Al2O3 (cercles bleus) et MgO (carrés rouges) ainsi que dans l'argon solide (triangles verts). Les paramètres de volume de Ag, MgO et Al2O3 sont représentés par des traits horizontaux. La pente de la droite noire pointillée correspond à la contrainte de surface fAg = 2,2 N·m−1. Pour D < 3 nm, les écarts sont dus aux contraintes épitaxiales.
La comparaison des trois séries de données EXAFS représentées sur la figure (les nanoparticules Ag/α-Al2O3(0001) étudiées ici (désaccord paramétrique négatif de -5 %), les nanoparticules Ag/MgO(100) analysées précédemment (désaccord paramétrique positif de 3 %) et les nanoparticules d'argent insérées dans l’argon) démontre une dépendance unique par rapport à la taille des nanoparticules d'argent au-delà d'une taille de 3 nm, qu'elles soient posées sur l'un ou l'autre des substrats. Les variations de distance Ag-Ag qui accompagnent les variations de taille des agrégats d'argent peuvent être représentées par une droite dont la pente fournit la contrainte de surface fAg = 2,2 N·m−1. Au contraire, pour les agrégats d'argent d'une taille < 3 nm, les valeurs de distance Ag-Ag ont tendance à compenser les désaccords paramétriques (cf figure).
Une réponse a été apportée à la question posée initialement en combinant absorption des rayons X, réflectance UV-visible et simulations numériques, une méthode qui s'est révélée d'une grande pertinence pour caractériser les nanoparticules en cours de croissance. La valeur fiable et indépendante de la taille déterminée pour la contrainte de surface de l'argent (fAg = 2.2 N·m−1) est fondée sur une physique rigoureuse et reste valable pour tous les objets à l'exception des particules de très petite taille (< 3 nm). L'observation reposant principalement sur le rapport surface/volume, on voit apparaître une description indépendante du métal susceptible d'avoir de vastes répercutions dans la compréhension des aspects énergétiques des nanoparticules.