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Après plusieurs années de collecte et d’analyses de données, une équipe de l’IGBMC vient de publier ses travaux sur l’étude de ribosomes eucaryotes en complexes avec 16 molécules inhibitrices de leur activité. Indispensables à la survie des cellules, les ribosomes sont les « micro-usines » qui synthétisent les protéines en lisant les informations codées dans les gènes. On possédait jusqu’alors très peu d’informations sur les inhibiteurs des ribosomes eucaryotes. Ces résultats, publiés dans la revue Nature, sont cruciaux pour envisager le développement de nouveaux médicaments contre des maladies infectieuses, de cancers ou des désordres génétiques.
Les protéines peuvent avoir un rôle structural (collagène, kératine, actine …) être des anticorps ou des hormones (insuline, hormones de l’hypophyse) ou encore des enzymes et assurer alors presque toutes les fonctions de la cellule, eucaryote ou bactérienne, et de l’organisme. On comprend donc que les ribosomes, ces machineries moléculaires très complexes qui fabriquent les protéines, fassent l’objet de nombreuses études. Le dysfonctionnement de la synthèse des protéines peut en effet avoir des conséquences énormes sur les cellules, et est impliqué dans des pathologies telles que les cancers ou certains désordres génétiques. D’autre part, si cette synthèse est bloquée la cellule va rapidement mourir. D’où l’utilisation d’inhibiteurs des ribosomes bactériens comme antibiotiques (la moitié des antibiotiques actuels ciblent les ribosomes bactériens). C’est l’une des raisons pour lesquelles les données structurales existantes portent sur les ribosomes d’espèces bactériennes. Une autre de ces raisons est que, chez les eucaryotes, les ribosomes sont au moins 40% plus grands, ce qui augmente encore leur complexité et donc la difficulté à les étudier.
L’un d’eux, le ribosome de la « levure de boulanger » Saccharomyces cerevisiae, est depuis plusieurs années au centre des recherches d’une équipe de l’IGBMC. Elle a publié ses travaux dans la prestigieuse revue Nature en septembre 2014.
Les chercheurs avaient d’abord obtenu la structure du ribosome « seul ». Avec ces nouveaux résultats, c’est la structure du ribosome successivement lié à 16 molécules différentes qui est désormais accessible. Les images de diffraction sur les cristaux de complexes ribosome/inhibiteur ont été obtenues sur la ligne PROXIMA 1 de SOLEIL. Belle performance technologique : en effet, peu de lignes de lumière dans le monde permettre de résoudre la structure de complexes macro-moléculaires d’une taille aussi importante que le ribosome, et ce avec une résolution suffisamment élevée pour identifier des zones très précises, composées de quelques atomes seulement – telles, ici, les zones de fixation des inhibiteurs.
Structure 3D du complexe formé de la sous unité 80S du ribosome de S. cerevisiae (199360 atomes), en vert et d’une molécule de l’antibiotique anisomycine (19 atomes), en rouge.
C’est également le mécanisme d’action des inhibiteurs au cours de la synthèse des protéines qui a été décrypté. La précision de la position de ces inhibiteurs sur le ribosome couplée à des études cinétiques ont permis de comprendre à quelle étape de la traduction des ARNm en protéines ils agissaient, étape qui dépend semble-t-il de leur différence de taille (pour une famille d’inhibiteurs donnée). Une information qui peut se révéler extrêmement utile dans le cadre d’un futur « drug design ».
Enfin, une meilleure compréhension du mode d’action de ces molécules éclaire sur leur différence éventuelle d’efficacité entre ribosomes procaryote et eucaryote. Des différences qui ont notamment toute leur importance si l’on souhaite éviter les effets secondaires de certains antibiotiques, qui perturbent parfois aussi les fonctions de la cellule eucaryote à soigner.
De plus, des inhibiteurs spécifiquement ciblés « ribosome eucaryote » sont des outils précieux pour l’étude de la synthèse protéique chez ces cellules, mais aussi pour le développement de nouvelles thérapies contre certaines maladies infectieuses, cancers ou maladies génétiques.