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Le carbone peut adopter de nombreuses formes en fonction de la molécule qui le renferme, on parle d’« espèces » chimiques distinctes. La « spéciation » des matériaux carbonés est généralement établie par des méthodes qui requièrent un prélèvement destructif ou par des méthodes de surface comme la spectrométrie Raman optique, la microscopie infrarouge ou l’absorption de rayons X (en anglais, XAS). L’analyse XAS est disponible en routine sur installation synchrotron ; néanmoins, une limitation demeure à son utilisation pour de nombreux matériaux carbonés : la forte interaction des rayons X mous utilisés au seuil d’absorption du carbone impose des limitations très fortes aux échantillons analysés et à leur environnement. En particulier, l’application à des échantillons complexes, hétérogènes, fragiles ou rares, comme les objets du patrimoine ou les spécimens paléontologiques, est fortement limitée, car ces systèmes peuvent avoir une surface polluée ou ne doivent pas être placés sous vide.
Une application inattendue de la diffusion Raman de rayons X
Une équipe internationale de chercheurs de France (Paris–Saclay, Sorbonne Universités, Grenoble), de Manchester au Royaume-Uni, et des États-Unis (Stanford, Columbia, Charleston) ont adapté la diffusion Raman X (en anglais X-ray Raman scattering, ou « XRS ») à ces systèmes. Cette méthode, qui a notamment été employée pour l’étude de la spéciation du carbone dans les coupes pétrolières, utilise des rayons X plus pénétrants car plus durs (de plus haute énergie). Avec l’analyse XRS, une petite fraction de l’énergie des rayons X est transférée aux électrons par diffusion inélastique, produisant un signal détectable pour déterminer la composition chimique d’un échantillon. Il devient alors possible de conduire des analyses similaires au XAS mais à une énergie 20 fois supérieure. Ceci permet de travailler dans des conditions usuelles tout en sondant le cœur du matériau, même contaminé en surface, ce qui réduit considérablement la difficulté des méthodes conventionnelles exploitant les rayons X mous, comme le XAS.
Caractériser les matériaux anciens
Les résultats, publiés dans la revue Analytical Chemistry, impliquent trois installations synchrotron : SOLEIL, où les expériences ont été réalisées sur la ligne GALAXIES, l’ESRF en France, et l’installation synchrotron de Stanford aux États-Unis où les expériences préliminaires ont été conduites. Les travaux ont été réalisés lors du séjour invité d’un des scientifiques du projet, Uwe Bergmann, à IPANEMA (Paris-Saclay), financé par la Fondation des Sciences du Patrimoine et le SLAC National Accelerator Laboratory. L’équipe a montré l’intérêt de l’analyse XRS pour l’étude d’échantillons artistiques (pigments à base de carbone), archéologiques et paléontologiques (fossiles). Cette recherche montre que la spectroscopie XRS fournit une nouvelle source d’information sur les mondes anciens. Le rôle central joué par le carbone dans la vie sur Terre peut maintenant être approfondi en utilisant la lumière extrême des sources synchrotron.
Figure : La spectroscopie Raman X a été employée pour étudier un fragment de peau d’un mammouth laineux des Îles Lyakhov conservé au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, révélant sa conservation exceptionnelle jusqu’au niveau atomique.