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Les alliages d'aluminium sont largement utilisés dans les transports et l'architecture depuis les années 1920. Ces alliages sont malheureusement très sensibles au phénomène de corrosion. Il est donc capital de comprendre pleinement ces phénomènes pour préserver le grand nombre d'objets en aluminium conservés dans les collections des musées, et notamment ceux consacrés à l'aérospatial. Des chercheurs du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), de l'Université de recherche PSL, de l'Institut Jean Lamour (CNRS / Université de Lorraine) et du synchrotron SOLEIL ont utilisé les rayons X de la ligne de lumière LUCIA pour obtenir des informations nouvelles sur les composantes de ces couches de corrosion.
Figure 1 : L'avion Breguet XIX
Pour ces alliages « aéronautiques », le comportement de corrosion est lié à la présence de phases intermétalliques dans la matrice d'aluminium. Ces phases sont principalement constituées d'aluminium, de cuivre, de manganèse/fer et de magnésium. En raison de la présence de l'épaisse couche de corrosion, les conservateurs et les restaurateurs sont le plus souvent impuissants face à ces matériaux d'aluminium altérés. L'effet de l'épaisse couche de corrosion sur la vitesse de corrosion du métal sous-jacent doit être compris pour évaluer clairement les risques encourus par les collections en aluminium et proposer le développement de stratégies de conservation cohérentes. Seules quelques études portent sur la caractérisation des produits de corrosion formés après l'exposition à long terme.
Il est nécessaire d'obtenir des informations sur les caractéristiques physico-chimiques des couches de corrosion pour assurer la conservation des matériaux en aluminium. Dans ce but, des échantillons ont été collectés sur divers aéronefs anciens construits dans la période 1930–1980 et appartenant au musée français de l'air et de l'espace. Après avoir analysé les coupes dm transversales métallographiques, la structure des produits de corrosion a été caractérisée par XANES pour décrire l'environnement chimique des atomes d'aluminium dans les produits de corrosion au niveau microscopique. Les expériences ont été réalisées sur la ligne de lumière LUCIA, un équipement qui convient parfaitement à la collecte de données à haute résolution spatiale et haute sensibilité sur le seuil K de l'aluminium.
Figure 3 : Spectres XANES enregistrés sur le seuil K de l'aluminium pour deux échantillons collectés sur le Vautour SNCASO (un bombardier moyen français utilisé en France entre 1950 et 1960), et le Bermuda short (un bateau volant britannique utilisé dans la période 1947-1960) en lien avec les spectres de référence de la gibbsite.
Les analyses µXANES fournissent pour la première fois de nouvelles informations sur la nature des phases constituant le système de corrosion qui se forme à long terme en conditions atmosphériques sur différents aéronefs anciens. Les données enregistrées ont confirmé que les produits de corrosion dans ces couches fines étaient principalement constituées de phases mal cristallisées ou amorphes dans lesquelles les atomes d'aluminium ont une coordinence de six, et aucun atome d'aluminium associé n'a été détecté avec une coordinence de quatre. En général, les structures des spectres acquis sont très proches des spectres des deux composés de référence, la gibbsite et la boehmite, qui ont été utilisés comme empreinte digitale. D'autres spectres dotés de la caractéristique intermédiaire des deux phases de référence ont aussi été acquis. Ces spectres présentent les mêmes caractéristiques que ceux acquis pour les matériaux de type oxyde d'aluminium hydraté (Al(OH)3-xH2O) observés par vieillissement accéléré de couches d'aluminium anodisées. Dans la couche de corrosion, la distribution des trois groupes de phases d'oxy-hydroxyde d'aluminium identifiés est homogène à grande échelle et explique que tous les alliages d'aluminium corrodés présentent presque le même comportement de corrosion. En particulier, la présence de couches de corrosion épaisses ne produit pas de modifications importantes du comportement électrochimique du métal qui subsiste.
Le fait de réaliser des expériences µXANES sur la ligne de lumière LUCIA a révélé de nouvelles perspectives concernant l'organisation des couches de corrosion épaisses ainsi que les phases qui les constituent. Il s'agit d'un facteur essentiel pour modéliser le comportement des phases au cours du processus de vieillissement et proposer enfin de nouveaux systèmes de protection basés sur la stabilisation des composés d'hydroxyde d'aluminium par rapport aux processus d'hydratation.