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L’alopécie frontale fibrosante (AFF) est une pathologie décrite pour la première fois il y a une vingtaine d’années. Elle est caractérisée notamment par une alopécie cicatricielle sur la zone antérieure du cuir chevelu et affecte principalement les femmes après la ménopause. Son origine est inconnue mais, le nombre de cas recensés ne cessant d’augmenter, on suspecte l’implication de facteurs environnementaux qui restent à définir.
Des dermatologues des Hôpitaux Bichat et Rothschild ont, pour la première fois, observé la présence de nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) le long de follicules pileux d’une patiente atteinte d’AFF qui utilise quotidiennement, depuis 15 ans, des écrans solaires contenant du TiO2. .
Les analyses ont été réalisées par microscopie électronique à balayage, et par microscopie de fluorescence X à balayage sur la ligne NANOSCOPIUM.
Dans un premier temps, une recherche de nanoparticules a été réalisée par microscopie électronique à balayage couplée à de la spectroscopie de fluorescence X, effectuée à Orsay, au Laboratoire de Physique des Solides, sur des follicules pileux extraits en zone atteinte par l’AFF chez une patiente (figure 1). Des dépôts anormaux, de taille micrométrique, ont été observés le long des cheveux ; leur analyse a révélé qu’ils contenaient du titane.
Figure 1 : Recul de la ligne d’implantation des cheveux sur le front et perte des sourcils, deux symptômes de l’AFF observés chez la patiente dont les follicules pileux ont été étudiés
Pour affiner ces résultats, les dépôts ont été étudiés sur la ligne NANOSCOPIUM de SOLEIL par spectroscopie de fluorescence en utilisant un nanofaisceau X (300 x 300 nm2), de façon à obtenir des cartographies élémentaires sur plusieurs zones de ces dépôts.
Le long des follicules, à leur surface, ont ainsi été mis en évidence des agrégats de microparticules de TiO2 (0,5 – 1 µm) associées à des nanoparticules de TiO2.
Figure 2 :
A et B : images obtenues par microscopie électronique à balayage sur des follicules pileux de la patiente. On observe des dépôts le long du follicule.
C : spectres de fluorescence X induite par les électrons, effectués sur l’un des dépôts anormaux à la surface des cheveux, identifiant la présence de Silicium (EKα=1.740 KeV), Soufre (EKα=2.305 KeV), Chlore (EKα=2.622 KeV), Calcium (EKα=3.694 KeV) et Titane (EKα=4.511 KeV).
D : cartographie haute résolution (500 nm) de la distribution du Titane, obtenue par micro-spectroscopie de fluorescence X (NANOSCOPIUM) sur 2 follicules pileux de la patiente.
Influence des nanoparticules de TiO2 ?
La patiente a signalé qu’elle utilisait depuis 15 ans des écrans solaires contenant du dioxyde de titane. Le TiO2 est le pigment blanc le plus largement employé. On le retrouve dans un très grand nombre de produits : peintures, matériaux de construction, agroalimentaire (bonbons, biscuits…), pharmaceutique (enveloppe des gélules, dentifrice…) mais aussi cosmétique : crèmes et écrans solaires, du fait des propriétés du TiO2 à bloquer les UV.
La toxicité potentielle du TiO2 est actuellement une préoccupation de santé publique majeure – le TiO2 a été classé par l’Agence Internationale de Recherche sur le Cancer dans le groupe 2B (« possiblement carcinogène pour l’Homme »)- lire aussi actu web DIFFABS – et l’impact dermatologique à long terme de ces particules chez l’Homme n’est pas encore bien connu.
L’hypothèse formulée par les chercheurs est que la présence de dioxyde de titane dans le « bulge » du follicule pileux (une zone riche en cellules souches) est responsable d’une réaction, dite « lichénoïde ». Ces réactions, décrites avec d’autres métaux tels que le nickel, correspondent à une présence anormale de lymphocytes T dans cette zone, entraînant la destruction des cellules du follicule pileux.
Des études dynamiques sur des follicules pileux extraits après application de crème contenant du TiO2, avec mesure des nanoparticules sur les différentes parties des follicules, ainsi que des analyses plus fines pour caractériser la localisation exacte des nanoparticules, seront nécessaires afin de confirmer le lien potentiel entre AFF et nanoparticules de TiO2.
Ces résultats ont été récompensés par le prix du meilleur poster au congrès de la société française de dermatologie en décembre 2017.