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Les états métalliques 2D présentent un potentiel énorme pour la micro-électronique du futur. Une équipe vient pour la première fois de créer de tels états à symétrie hexagonale à la surface nue de plusieurs oxydes isolants.
Récemment, au cours de recherches en collaboration entre plusieurs laboratoires de l’Université Paris-Sud (CSNSM, IEF, LPS, UMR-Thalès) et la ligne de lumière CASSIOPEE du synchrotron SOLEIL, une équipe a montré que des états 2D métalliques peuvent être créés à la surface nue de plusieurs oxydes isolants et transparents, tels que le SrTiO3 ou le KTaO3. Ce résultat intéresse les chercheurs en raison de l’appartenance de ces oxydes à la famille d’oxydes de métaux de transition. Ces matériaux présentent des propriétés remarquables, telles la supraconductivité à haute température pour les oxydes de cuivre, la magnétorésistance colossale pour les oxydes de manganèse, la multi-ferroélectricité pour les ferrites de bismuth, ou la capacité photo-catalytique pour les titanates. On peut imaginer utiliser les états métalliques de surface pour contrôler les propriétés du matériau, voire créer de nouvelles propriétés grâce au confinement des électrons sur une épaisseur nanométrique. Ces gaz 2D métalliques présentent ainsi un potentiel prometteur pour la micro-électronique du futur.
Confiner des électrons près de la surface de ces oxydes isolants offre une autre possibilité très séduisante : en choisissant savamment la direction de coupe du cristal, afin de donner une géométrie particulière au réseau cristallin 2D à la surface, on peut façonner la topologie de l’état métallique 2D confiné. Ainsi, comme illustré sur la figure, pour un cristal cubique, structure commune à pratiquement tous ces oxydes, une coupe perpendiculaire à la grande diagonale du cube, aussi appelée direction (111), donnera une surface de symétrie hexagonale. Or, si l’on arrive à confiner les électrons sur seulement les deux premières couches le long de la direction (111), le réseau atomique ressenti par les électrons sera ce qu’on appelle un « réseau en nid d’abeille », formellement identique à celui du très célèbre graphène, duquel découlent maintes des propriétés uniques à ce matériau. Ce jeu combinant les symétries cristallines à la surface d’oxydes à propriétés remarquables, et le confinement d’électrons sur ces surfaces, pourrait aboutir, comme le prédisent plusieurs travaux théoriques récents, à de nouvelles propriétés des électrons dans la matière.
C’est donc à ce jeu que les scientifiques se sont livrés. En s’appuyant sur les techniques qu’ils avaient déjà développées pour la création de gaz 2D d’électrons à la surface d’oxydes, ils ont réussi à réaliser un état métallique 2D sur une surface de type (111) du KTaO3. En illuminant ensuite cette surface avec le rayonnement synchrotron sur CASSIOPEE, et mesurant directement les électrons ainsi éjectés par effet photoélectrique (dont l’explication due à Einstein donna naissance, il y a un siècle, à la Mécanique Quantique), ils ont pu montrer que la distribution des états électroniques sur le réseau cristallin de surface a bel et bien une symétrie hexagonale. Ce type de structure électronique n’a pas de précédent parmi l’ensemble des états métalliques 2D connus à ce jour sur les oxydes. Bien qu’il reste à démontrer qu’il soit possible de confiner les électrons sur deux couches atomiques de cette surface (111), ces résultats sont fondateurs. Ils indiquent une voie concrète pour produire de nouveaux états métalliques 2D combinant la richesse physique des oxydes de métaux de transition avec les propriétés extraordinaires des systèmes de type graphène.