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Les astrophysiciens pensent que les molécules polycycliques aromatiques hydrogénées (PAH) sont largement présentes dans l’espace interstellaire. Cependant, leurs mécanismes de formation par évaporation à partir de nanograins carbonés sont mal compris. Une équipe interdisciplinaire française impliquant des laboratoires toulousains (IRAP, LCPQ) et de la région parisienne (ligne DESIRS à SOLEIL, ISMO) ont combiné la mesure de spectres de photoionisation avec des simulations moléculaires et ont pu établir la corrélation entre structures et propriétés électroniques (ionisation) d’agrégats de PAH en phase gazeuse, considérés comme des systèmes modèles de nanograins.
La connaissance de ces structures va permettre de mieux caractériser les propriétés de ces agrégats, en particulier leur spectroscopie et leur stabilité. Ces résultats contribuent à améliorer notre compréhension de la formation et du rôle de ces systèmes dans la chimie des régions de formation d’étoiles ainsi que dans les flammes.
Depuis plus de 30 ans, les astrophysiciens considèrent que les bandes spectrales observées en émission dans le domaine infra-rouge 3-15 mm et caractéristiques de groupements aromatiques sont dues à de grandes molécules de type PAH qui pourraient être produites, dans l’espace interstellaire, par évaporation à partir de nanograins carbonés. Les agrégats de PAH constituent un bon système modèle de nanograins, mais on connaît mal leur structure moléculaire et leur stabilité vis à vis du rayonnement UV.
De premières mesures expérimentales de spectres de photoélectrons d’agrégats de PAH à base de pyrène C16H10 et de coronène C24H12 ont été obtenues en utilisant la technique d’imagerie de photoélectrons-photoions en coïncidence disponible sur la ligne de lumière DESIRS à SOLEIL, qui utilise l’ultraviolet lointain (VUV). Ces données ont été confrontées aux résultats de simulations moléculaires dans lesquelles les effets de structure et de température ont été pris en compte.
Pour un agrégat de 6 molécules, un certain nombre d’isomères peuvent être présents à des températures de 100-200K. La qualité de l’accord expériences/simulations a permis de valider l’approche théorique utilisée. Les structures d’agrégats obtenues sont composées d’empilements multiples au-delà de 4 monomères. Un résultat important a été de montrer que, lors de l’ionisation, la charge ne se répartit pas sur l’ensemble de l’agrégat mais reste localisée sur quelques unités moléculaires (1 à 3). Ce comportement va affecter les propriétés électroniques et la stabilité de ces systèmes.
Figure 1 : Evolution de l’énergie d’ionisation avec la taille des agrégats de pyrène (C16H10). Les valeurs expérimentales (courbe noire) sont comparées aux résultats des simulations moléculaires (courbes en couleur). Le potentiel d’ionisation vertical (courbe verte) a été calculé pour les isomères de plus basse énergie représentés ici pour 5, 6 et 7 molécules. Dans ces structures, les molécules en vert sont celles qui portent la charge lors de l’ionisation. A température finie, typiquement 100-200 K dans l’expérience, il faut tenir compte dans les simulations du peuplement thermique des différents isomères, ce qui permet d’obtenir les courbes rouges et bleues en très bon accord avec la courbe expérimentale.
Dans les milieux astrophysiques, les PAH seraient produits par destruction (photoévaporation) de très petits grains carbonés sous l’effet des photons VUV. Les travaux présentés ici constituent une première étape de l’étude de ce processus, les agrégats de PAH étant considérés comme des systèmes modèles en laboratoire de ces très petits grains carbonés cosmiques. Les propriétés d’ionisation des agrégats de PAH (énergie d’ionisation relativement basse et forte section efficace d’ionisation) impliquent que ces espèces seraient en grande partie ionisées dans les milieux où les PAH sont formés. Leurs propriétés d’évaporation vont donc différer par rapport à celles des agrégats neutres qui ont été jusqu’à présent considérés dans les modèles astrophysiques.
Ces travaux ont aussi un intérêt dans le domaine de la combustion des hydrocarbures, par exemple dans des flammes, car on sait que les PAH et possiblement leurs agrégats constituent des intermédiaires réactionnels de combustion conduisant aux suies.
Ce travail interdisciplinaire (CNRS-INSU/INP/INC) a été initié dans le cadre du projet ANR Gas-phase PAH research for the interstellar medium (GASPARIM, ANR-10- BLAN-0501) et a mis également en jeu des moyens du projet ERC Synergy NANOCOSMOS.