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La bactérie Legionella pneumophila, qui cause la maladie du légionnaire ou légionellose, échappe à la destruction par le système immunitaire en se dissimulant dans les cellules infectées. Cette stratégie de camouflage nécessite que la bactérie injecte un arsenal d'enzymes qui lui permettent de prendre le contrôle de différents processus cellulaires. L'une de ces enzymes, AnkX, greffe un composé chimique sur une protéine régulatrice majeure du trafic cellulaire, qu’elle détourne ainsi de sa fonction normale. Des structures d'AnkX obtenues par cristallographie aux rayons X ont révélé des aspects clés de cette réaction.
Le nom de la maladie du Légionnaire lui vient d'une épidémie mystérieuse survenue en 1976 lors d'une réunion de la légion américaine à Philadelphie. L’agent responsable de cette maladie fut identifié peu de temps après : la légionelle, une bactérie pathogène qui se développe dans les réseaux de climatisation ou de plomberie mal entretenus. Cette maladie se transmet par l'intermédiaire de gouttelettes d'aérosol aux macrophages des poumons, une variété de globules blancs normalement chargés de tuer les pathogènes. En France, 1200 à 1500 personnes sont infectées chaque année, avec un taux de mortalité de 10 à 15 %.
Les légionelles échappent au système immunitaire de l'hôte en se dissimulant dans une structure entourée de membrane, la « vacuole contenant la légionelle » (LCV, Legionella-containing vacuole) où elle se multiplie en grand nombre. Pour créer et alimenter cette vacuole dans la cellule infectée, la bactérie injecte un arsenal d'enzymes qui détournent des protéines clés de l'hôte de leurs fonctions normales. Le groupe de Jacqueline Cherfils du Laboratoire d’Enzymologie et Biochimie Structurales (LEBS, CNRS, Gif-sur-Yvette) a résolu la structure atomique de l'une de ces enzymes, nommée AnkX. AnkX ajoute un composé chimique, la phosphocholine, à la petite GTPase Rab1, dont la fonction normale est de piloter le trafic cellulaire. Cette modification chimique anormale est cruciale pour permettre aux Légionelles de pirater les fonctions de Rab1 en la détournant vers la LCV.
À partir des données de diffraction de rayons X collectées sur la ligne de lumière PROXIMA 1, les chercheurs ont intercepté des instantanés de la réaction chimique catalysée par AnkX. Ces structures cristallographiques, combinées à des études biochimiques réalisées en collaboration avec le laboratoire de Craig R. Roy (Université de Yale, New-Haven, États-Unis) ont révélé un mécanisme enzymatique inattendu, qui prédit que des réactions semblables se produisent, avec des variations, chez d'autres pathogènes bactériens. Ces résultats améliorent notre compréhension des mécanismes moléculaires par lesquels les bactéries subsistent dans l'hôte infecté.
Structure cristallographique d’AnkX piégée dans un complexe avec son substrat (représentation en bâtons) avant le clivage enzymatique (© Valérie Campanacci, LEBS).