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Caoutchouc naturel : La cristallisation sous déformation passée aux rayons X

La cristallisation sous déformation (Strain induced Crystallization en anglais : SIC) est un phénomène complexe dont la caractérisation est cruciale pour comprendre l’évolution des propriétés mécaniques des matériaux. Son analyse requière des moyens de caractérisation dédiés. Des chercheurs de l’Université de Lyon et de l’INSA Lyon, en utilisant la ligne DIFFABS du synchrotron SOLEIL, ont pu mettre en évidence l’importance de la fréquence de sollicitation, de la température de l’environnement et du taux de déformation sur la cinétique du processus de cristallisation du caoutchouc naturel (NR).

Ce dernier, notamment utilisé dans les pneus, est réputé pour ses excellentes propriétés mécaniques. Elles sont généralement attribuées à la capacité du NR à s’auto-renforcer en cristallisant sous déformation. Afin d’étudier le comportement de ce matériau dans des conditions dynamiques, proches de celles que pourraient rencontrer le NR en conditions d’usage, une équipe de scientifiques français de l’INSA de Lyon a développé un appareillage spécifique équipé d’un stroboscope. La réponse à des sollicitations mécaniques cycliques a été étudiée sur la ligne DIFFABS du synchrotron SOLEIL. Grâce à la diffusion des rayons X aux grands angles (WAXS), technique de diffraction couramment utilisé pour la détermination de la structure cristalline des matériaux, des données ont pu être récoltées sur une large gamme de fréquences de sollicitation (2 à 80Hz), renseignant sur la cristallisation et la de fusion de l’échantillon.

Dans cette étude, l’acquisition stroboscopique permet d’enregistrer des spectres WAXS pour des taux de déformation définis. Les échantillons sont dans un premier temps déformés rapidement à un pré-allongement λa, puis relaxés pendant cinq minutes. Ils sont ensuite sollicités dynamiquement à une fréquence donnée  avec une amplitude d’allongement (Δλ) oscillant  autour de λa. La procédure expérimentale a été répétée à huit reprises (huit taux de déformation) afin de mesurer les paramètres cristallins du caoutchouc (index de cristallinité, taille et orientation des cristallites) sur la totalité d’un cycle dynamique.

Légende :
(a) Evolution schématique de l’index de cristallinité pour un cycle réalisé en faible fréquence de sollicitation à λmin < λmelt (ligne continue) et un cycle réalisé en faible fréquence de sollicitation à λmin > λmelt (ligne en double pointillé)
(b) Evolution schématique de l’IC en fonction de λ pour un chargement monotone à faible (ligne continue) et à forte (ligne pointillée) fréquence de sollicitation
(c) Courbe de cristallisation obtenue pendant l’étape de chargement du test C réalisé à 2Hz (points et ligne continue). Evolution schématique de la courbe de cristallisation d’un cycle en faible fréquence de sollicitation réalisé au-dessus de λmelt, (ligne double pointillée) puis en forte fréquence de sollicitation (ligne pointillée).

Plusieurs expériences ont ainsi été réalisées en faisant varier non seulement la valeur du pré-allongement (λa) et la fréquence de sollicitation, mais aussi la température de l’échantillon. Quelles que soient les conditions, les scientifiques ont invariablement observé qu’une augmentation de la fréquence engendrait une diminution du phénomène de cristallisation sous déformation. Ces tests ont également révélé des informations inattendues quant au comportement  du caoutchouc soumis à de faibles fréquences de sollicitation (2 à 5 Hz). Pour les cycles où λmin (allongement minimum du cycle de sollicitation) est supérieure à λmelt (allongement correspondant à la fusion), un effet mémoire lié à l’orientation des chaînes cristallisables permet de soutenir la cristallisation et par conséquent au NR de conserver de bonnes propriétés mécaniques. Lorsque les cycles sont effectués à λmin inférieure à λmelt, les effets concomitants de l’auto-échauffement et de la vitesse de sollicitation sur le processus de nucléation des cristallites engendrent la disparition progressive de la cristallinité avec la fréquence.

Avant ces travaux, d’autres études sur ce thème avaient été menées, mais sans équipement ad hoc. Elles se contentaient d’étudier le comportement du NR aux très faibles fréquences (~0,001 Hz). Les présents résultats témoignent de la complexité de l’étude de la cristallisation sous déformation. Une des perspectives à cette étude consiste en l’élaboration d’un modèle physique couplant les composantes mécaniques, thermiques et thermodynamiques conduisant à une simulation réaliste du phénomène.